Chapitre 40

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Ainsi dans cette ambiance de fête et de joie, les jours se sont succédés au nuits et les nuits au jours jusqu'au terme des sept jours. Autant vous dire tout de suite à quel point je puais de près et de loin et à quel point l'odeur de mon propre corps m'étais plus qu'insupportable à un point où j'en étais devenu malade. Et je crois bien que j'en serai morte à l'heure qu'il est si ce n'est à cause les tours d'encens faites toutes les deux heures sur mon corps pour m'aider à mieux supporter  mon odeur corporelle.

( à la différence donc de mon entourage, cette attente d'une semaine m'a semblé une éternité et j'avais plus que hâte que cet enfer se termine ).

Dès lors, dans la soirée du dernier jour et après des soins au henné et un gommage des plus brutal qui soit pour retirer toute la saleté et les impuretés accumulé sur ma peau au cours de ces derniers jours, les femmes me font prendre finalement un grand bain dans un énorme bassin pendant plus de deux heures.

Vous n'imaginez donc pas le soulagement de mon âme après la reprise en contact de ma peau avec l'eau douce et fraiche : je me sentais enfin renaître parce que j'avais bien l'impression de pourrir vivante.

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Le seul point positif est que je suis devenue deux fois plus blanche et deux fois plus fraîche pour n'avoir pas croisé la lumière du soleil depuis des lustres. Ma peau respirait la pureté et la richesse et toute ma beauté et mon charme est ressorti en un coup. J'étais rayonnante de près comme de loin à vue d'œil ; quiconque posait les yeux sur moi ne pouvait qu'être atteint dans son coeur.

( j'imagine bien que c'était plus que le résultat attendu étant donné leurs sourires face à moi et à ce que je suis devenue ).




- Ma belle mère : ma sha Allah !




- Ma belle-mère : بشرط أن لا تصلك العين الشريرة أبدًا.

( pourvu que le mauvais œil ne puisse jamais t'atteindre ).





A cet instant précis, il n'était donc plus question que n'importe qui m'approche ni même pose les yeux sur moi : le cercle de femmes était restreint à ma seule ma belle-mère, la grand - mère de Sultan et l'autre vieille femme.

On me couvre ainsi du voile rouge de la mariée pour m'aider à sortir de l'eau de rose avant de me faire asseoir sur un mortier ( oui vous avez très bien entendu : un petit mortier ) pour entamer les vraies choses. Pour la nième fois, elles firent plusieurs tours d'encens autour de moi pour me parfumer davantage le corps et les cheveux avant de déposer le pot à mes pieds et sous mon voile afin que le senteur puisse parvenir entre mes jambes et imprégner également même les parties les plus intimes.

À ce stade et au point où je brillais, ma belle mère n'avait plus aucun doute sur ma pureté mais elle assiste quand bien même au rituel tout en restant à l'écart. C'est la grand mère qui prend alors le relais et à ce titre, elle introduit deux minuscules tiges dans le pot d'encens, tout droit sorti sous son voile ( je ne saurai vous dire exactement ce que s'est mais à l'instant où elle s'est mise à tourner autour de moi et que la fumée de cette herbe m'a effleuré le nez, mes larmes se sont mises à couler toutes seules. J'étais comme possédée et je n'avais plus aucun contrôle sur moi - même au point où je pleurais tout en tremblant de tous mes membres.

Au bout d'un moment, c'était tellement intense que je me suis urinée dessus ; du moins ce que je pensais innocemment. Une fois que c'est fait, elle passe dès lors son pot à l'autre qui s'occupe d'aller très vite étreindre la fumée car le rite était terminé. Puis elle se rapproche quelque peu de moi et soulève très delicatement mon pagne rouge en tissu : comme vous pouvez vous en douter, j'ai saigné un peu et elle n'a pas eu besoin de regarder mes parties intimes pour le savoir puisque celui-ci coulait un peu sur mes jambes.

( et non ! Ce n'était pas de l'urine mais bien du sang - preuve incontestablement de ma virginité ).

Pour l'heure je ne saurai vous dire exactement ce qui s'est passé ni comment elle s'y est pris ( elle seule a connaissance de son secret pour parvenir à ses fins ). Toutefois elle lance, un regard discret à ma belle mère qui comprend très vite le sens de son message. Elle sourit intérieurement je suppose et se rapproche pour m'aider à me lever afin de m'accompagner aux toilettes pour que je puisse me nettoyer.

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Avec du recul et jusqu'à aujourd'hui, je n'ai toujours pas compris le sens de cette pratique mais de ce que je sais, c'est que si je ne l'étais pas ce jour là, ce mariage n'allait pas se faire.
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Je me rafraîchis donc de nouveau car j'étais en sueur pendant le processus pour avoir tremblé aussi intensément. Ensuite je pouvais enfin être apprêtée coquêtement pour la cérémonie du "henna". Elle me fie enfiler dès lors la traditionnelle robe blanche brodée de perles jusqu'en bas et des bijoux qui pèsent une tonne. On apporte ensuite la cape pour me couvrir entièrement comme un cadeau de l'Aïd car elle tenait vraiment à ce que personne ne puisse poser les yeux sur moi par crainte du mauvais œil au point où je brillais après toute une semaine de confinement.

Le cortège arrive ensuite avec tout le bruit et l'agitation qui va avec et le song des tambours s'intensifie de plus belle. Les femmes chantent en agitant les thomann et les tabukaâ résonnent au moment où je descends enfin accompagnés des trois femmes ( je me faisais conduire à l'aveugle par ces dernières car je ne voyais absolument rien sous mes nombreuses voiles et ma cape.

Saeed se tenait devant la devanture de  l'entrée pour mon départ et je n'ai pas pu le voir de mes yeux puisque je ne peux l'entendre  ni même lui dire aurevoir dans ces conditions. D'après ce qu'on m'a rapporté, le pauvre versait des larmes dans la foulée ; totalement inconsolable du fait de mon départ.

En effet, je quittais définitivement la maison pour mon foyer et ce n'est pas rien à ses yeux pour l'homme qui m'a vu naître et grandir et avec lequel j'ai vécu toute ma vie. Désormais je pars et nos habitudes au cours de ces vingt années vont s'éteindre. Il va devoir apprendre à vivre sans moi tout comme moi loin de lui ( nous nous verrons toujours certes mais rien ne sera plus pareille ).




- Saeed : puisses - tu être heureuse avec toute ta descendance et demeurer toujours soumise à ton époux....






- Saeed : إنني أعهد إليه بمسؤولياته المستقبلية، والأمامة مقدسة وعظيمة بالتأكيد

( je lui confie ses futurs responsabilités et al amâma est sacré et immense certes )

[...]


- yourrrrrrrrrr ... rrrrrrrrrrr

- Yourrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr

- yourrrrrrrrrrrrrrrrrr yourrrrrr

( you - yous )





Il se baisse alors pour aligner les trois pièces d'argent sur la voie de mon passage et pleure davantage encore plus au moment où je passe dessus pour rejoindre les voitures. Ma belle mère me conduis toujours et celle - ci m'installe confortablement à l'arrière avant de faire le tour. Quelques instants plus tard ( le temps de dégager la voie ) le cortège démarre finalement en direction de la maison familiale de Sultan où devait se tenir la cérémonie de la veille sous le bruit des tambours ( il faut savoir qu'à leur arrivée, tout le quartier l'a su à cause de leur agitation ; encore fallait - il que tout le monde saches aussi pour leur départ bien qu'au contraire pour eux, cela ne peut être qu'un grand soulagement du fait qu'il allait enfin pouvoir se reposer dans le calme le plus total ).

Soubhan'allah ... dans quelle genre de famille ais - je mis les pieds !

Il rentre alors à l'intérieur de la maison ( désertée par toutes les femmes déja parties ) et monte à l'étage dans sa salle de prière pour aller verser davantage de larmes.






                                       A suivre ....


Muette comme une tombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant