Prologue

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L'être humain serait capable de s'habituer à tout. Qu'on le fasse vivre dans un véritable paradis et le bonheur immense qu'il ressentirait finirait par laisser sa place à l'habitude, puis la lassitude. Qu'on le mette dans une vie de misère et d'horreur, une fois la terreur et la tristesse passées, il s'en accoutumerait tout autant. C'était du moins ce qu'on disait.

Bellatrix Black ne le savait pas vraiment mais cela faisait trois ans qu'elle était enfermée dans cette cellule sombre, froide et humide à Azkaban, la prison des sorciers. Et, de son point de vue, cela faisait des siècles qu'elle s'y trouvait. Elle avait même l'impression d'y avoir vécu toute sa vie, que tous ses souvenirs déjà fanés de sa vie d'avant n'étaient qu'illusion ou fiction. Et pourtant, elle ne s'était toujours pas habituée à l'état misérable dans lequel elle se trouvait.

Lorsqu'elle ouvrait les yeux, c'était pour voir une cellule aux murs noirs et une fenêtre ronde pourvue de barreaux de laquelle l'odeur de la pluie et de la mer n'arrivait même plus à couvrir sa propre puanteur. Elle pouvait aussi voir, dans un coin de sa cage, une assiette où pourrissaient les restes d'un poisson qu'elle n'avait même pas touché malgré la faim qui lui tenaillait l'estomac. Ses yeux auraient pu aussi errer sur ses jambes habituellement d'une blancheur de nacre qui, aujourd'hui, étaient noires de crasse, comme si elle les avait couvertes de charbon. Elle aurait pu voir au travers des barreaux de la porte close de sa cellule, le couloir où passaient fréquemment ces longues silhouettes sombres qui glissaient au-dessus du sol. Tout cela, elle aurait pu les voir si elle ne fermait pas obstinément les yeux.

Mais elle sentait tout. L'odeur de l'urine qui empuantissait sa cellule, l'odeur du poisson qui pourrissait et autour duquel aucune mouche ne voulait tourner pour en manger les restes. Car aucune mouette, aucune mouche, aucune créature de toutes sortes ne s'approchaient du domaine des Détraqueurs. Seules les vagues qui s'écrasaient en contrebas rappelaient qu'il y avait une vie, en-dehors de ces murs.

Parfois, Bellatrix entendait les lamentations d'un autre détenu, plus loin dans la prison. Parfois, même, ces lamentations qu'elle entendait étaient les siennes, sans même qu'elle s'en aperçoive. Et ses ongles grattaient la terre et la crasse qui recouvraient le sol en pierre de sa cellule. Son sang qui coulait de sa peau abîmée lorsqu'elle se grattaient avec violence la nuque, les poignets, les avant-bras, venait se mêler aux immondices qui recouvraient le sol.

Il faisait nuit. Du moins, c'est ce qu'elle imaginait ; il semblait toujours faire nuit, à Azkaban. Mais pourtant, lorsqu'elle ouvrit les yeux, il faisait plus sombre que jamais. Quelque chose clochait, ce soir. Cette présence horrible dans sa tête, cette entité qui lui faisait vivre des cauchemars et ses pires souvenirs, elle était toujours là. Ce froid intense qui gelait toute son âme abîmée, il était toujours là. Mais cela s'éloignait, résonnait en elle comme un sifflement aigu après une forte détonation.

Alors, elle poussa un hurlement de douleur et se plia en deux, s'écroulant sur le flanc. Son bras la brûlait intensément. Était-ce les Détraqueurs qui lui faisaient cet effet ?

Etonnamment, elle réalisa qu'elle parvenait à réfléchir avec plus de clairvoyance que d'habitude. Bellatrix prit conscience que sa douleur lui venait de son avant-bras droit, plus précisément de l'endroit où se trouvait sa Marque des Ténèbres.

Alors, résonna quelque chose qui devait très rarement retentir entre les murs de la prison d'Azkaban : Bellatrix éclata d'un rire sauvage et incontrôlable. Ses longs cheveux noirs, hirsutes et gras vinrent recouvrir son visage comme un rideau alors qu'elle baissait le regard sur sa marque. La tête de mort qui recrachait un serpent était plus sombre que jamais.

- Il arrive ! Le Seigneur des Ténèbres arrive ! hurla quelqu'un, plus loin, dans quelques cellules du fort.

Bellatrix hurlait de rire à s'en casser la voix.

- LE SEIGNEUR DES TENEBRES ARRIVE ! vociféra-t-elle.

Jamais elle ne s'était sentie aussi heureuse.

Ce fut à ce moment-là qu'il y eut un grand fracas. Le plafond en pierre de sa cellule fut éventré par de puissantes griffes. Riant toujours aux éclats, Bellatrix se jeta dans un coin de sa cage pour ne pas être écrasée par les gros blocs de roche qui s'effondraient du plafond. Alors, apparut au-dessus d'elle, une créature plus noire que les ténèbres elles-mêmes, perchée au-dessus de sa cellule, dont la silhouette se détachait avec peine du ciel sombre et chargé de nuages.

C'était comme une immense chauve-souris squelettique aux ailes déchirées et au visage tordu dans une expression de souffrance difforme. Bellatrix ne ressentait aucune peur, désormais ; elle faisait confiance à son Seigneur des Ténèbres. Sans ménagement, la créature referma ses serres surpuissantes sur les bras de la jeune femme et la souleva de terre avec une facilité déconcertante.

Bellatrix se retrouva alors à voler dans les airs. Sous elle, le fort d'Azkaban perdu sur une falaise rocheuse, harcelée par les vagues au beau milieu d'une mer agitée, s'éloignait alors que la créature battait des ailes dans le ciel nocturne et lourd de nuages. Projetant un peu partout dans cette nuit sombre une lugubre lueur verte, la Marque des Ténèbres brillait dans le ciel, translucide, au-dessus de la prison.

Alors que Bellatrix hurlait toujours autant de rire, les deux bras fermement accrochés par les serres de la créature, elle remarqua que d'autres chauves-souris géantes portaient avec elles des prisonniers qu'elles avaient libérés ; d'autres serviteurs du Seigneur des Ténèbres, probablement.

Cette nuit-là, en cet été pluvieux de l'année 1976, la nuée de Vrykolakas avait pratiquement dépouillé Azkaban de tous ses détenus.

Les Maraudeurs et l'Ascension du Phénix (tome 6)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant