Les Maraudeurs et l'Ascension du Phénix (tome 6)

Chapitre 40 - LILY EVANS

Les grandes fenêtres du local des Chroniques de Poudlard tremblaient de temps en temps lorsqu'une nouvelle bourrasque de vent venait frapper le château. La salle n'était pas beaucoup remplie, aujourd'hui. Au fond, Edgar Bones était occupé à rédiger un article qui faisait des pronostics sur le match de Quidditch à venir et sur le changement de programme qui avait eu lieu dans la nouvelle saison. En effet, Nausicaa étant en retenue durant les trois premiers mois de l'année scolaire, la saison n'allait pas commencer par le traditionnel match de Gryffondor contre Serpentard. Cette dernière équipe allait être remplacée par Poufsouffle.

Plus loin, à sa table toujours en désordre, Eugénie était occupée à faire une illustration. Quant à Stella, elle était dans une minuscule chambre noire accolée à leur local où elle tirait les photographies qu'elle avait prise.

Lily aurait voulu poursuivre son article sur l'inutilité de la Garde du Ministère qui n'empêchait en rien la montée en puissance des Mangemorts et de leur leader mais au lieu de cela, à sa grande exaspération, elle devait lire le texte que James Potter venait tout juste de finir. Un sourire timide aux lèvres, le garçon lui avait tendu une liasse de parchemins noircis d'encre ; elle ne s'était pas attendue à un tel résultat. Lily était restée persuadée qu'il allait lui présenter un texte bâclé, court et inintéressant sur sa vision puérile du monde.

Mais lorsqu'elle le lut, elle en fut sincèrement impressionnée. Elle en vint même à se demander si ce n'était pas Remus qui avait écrit le texte à sa place. Mais même avec la plus mauvaise foi du monde, elle ne pouvait pas s'en convaincre. Elle avait suffisamment vu Potter nonchalamment allongé sur son canapé à écrire, raturer et réécrire son texte.

- Eh bien, souffla-t-elle finalement lorsqu'elle eût fini de lire les nombreuses pages qu'il lui avait présentées.

A sa grande surprise, Potter eut une moue angoissée alors qu'il attendait, debout devant son bureau ; Lily avait l'étrange impression d'être un professeur à qui un élève rendait un devoir.

- Ce n'est pas bien, c'est ça ? s'inquiéta-t-il.

- Non, c'est... Au contraire, je ne m'attendais pas à ça, dit Lily, tu écris vraiment bien et tu as un point de vue étrangement mature sur le monde qui nous entoure. Et... Je dois avouer que je ne te pensais pas aussi complexe !

- Comment ça ?

- Eh bien, tu dis à un moment que quand tu penses au futur, il t'arrive de ne pas fermer l'œil de la nuit, lui expliqua-t-elle, que tu imagines le pire pour ta famille, tes amis, que parfois, tu penses que tu ne vieilliras pas. Tu dis même, à un moment, que si tu survivais, tu aurais peur d'être comme le professeur Maugrey.

- Oui... Et alors ?

- Excuse-moi, mais tu ne m'as pas habituée à ça. Tu as l'air de toujours tout prendre à la légère alors qu'en fait... Et le professeur Maugrey ? Je croyais que c'était le « meilleur prof du monde » à tes yeux ?

Potter haussa les épaules.

- Oui, c'est vrai... Mais...

- Mais ?

- Je n'ai pas envie de finir comme lui. Il a l'air seul et triste, toujours sur ses gardes. Enfin, bref, on n'est pas là pour parler de Maugrey. Est-ce que tu penses qu'il est possible de... Enfin, tu vois quoi ?

- Possible de quoi ?

- Eh bien, de le publier dans ton journal.

- Oh ! Mais oui, bien sûr ! Cet article va parler à beaucoup de monde, tu sais. Mais... Oh ! Il y a un bémol.

- Q-quoi ?

Lily aurait bien éclaté de rire. Pourquoi James Potter semblait-il si inquiet pour son texte ?

- Rien d'important, dit-elle d'un ton rassurant, c'est juste que tu as signé ton texte par un « J ». On n'utilise pas de pseudonyme dans notre journal. Tout le monde signe par son nom. Je vais remplacer ça par « James Potter »...

- Non !

Lily leva un regard surpris sur Potter.

- C'est que... Enfin, je préfère signer par « J », fit le garçon en tentant tant bien que mal d'avoir un ton plus léger, j'aime bien, ça fait plus... Enfin, ça fait mieux.

- Je te l'ai dit, on n'utilise pas de pseudonyme. Pourquoi tu ne veux pas signer par ton nom ?

- Je ne veux pas, c'est tout.

Elle comprit alors. Pourquoi à chaque fois que ce garçon faisait quelque chose qui lui plaisait, il s'empressait par la suite d'avoir une réaction exaspérante ?

- Tu as honte de ton article ?

- Non ! C'est juste que... Je préférerais éviter que les gens me voient comme... comme ça.

- Quoi ?

- Je ne veux pas qu'ils sachent que...

- Que quoi ? Que tu as des sentiments ? Que James Potter est comme les humbles mortels : il peut avoir peur ?

- Je n'ai pas peur !

- Ce n'est pas ce qui est écrit là.

Potter avait l'air vraiment contrariée et Lily s'aperçut que ceux qui se trouvaient dans la pièce les regardaient avec des yeux ronds. Malgré toute l'exaspération qu'elle ressentait, elle se força à adopter un ton plus calme. Sur ce point-là, elle savait bien que crier sur ce garçon n'allait pas aider à quoique ce soit.

- Ecoute-moi, dit-elle du ton le plus doux dont elle pouvait faire preuve avec lui, tu as peur et c'est un signe d'intelligence. Tout le monde a peur. J'ai peur, Dumbledore a peur, ton père a peur...

- Mon père n'a jamais peur, laissa tomber Potter, les traits fermés.

- Vraiment ? Il ne s'inquiète pas pour ta mère ? Pour ses deux enfants ? Pour le monde qui l'entoure ?

- Il a peut-être peur mais il a su ne jamais le montrer, s'autocorrigea Potter avec aigreur.

- Je suis sûre que si ; peut-être qu'à toi, il n'a rien montré. Les parents agissent différemment avec leurs enfants. Il a peur. C'est évident et c'est ce qui le rend si courageux. Il n'y a pas de courage sans peur.

Le garçon eut une moue.

- Tu as volé cette phrase dans Coco la sorcière, bougonna-t-il.

Cette fois, Lily ne put s'empêcher de rire.

- Quoi ?

- Alors là, c'est une sacrée journée, pouffa-t-elle, j'apprends que James Potter est plus complexe qu'il en a l'air et qu'il lit Coco la sorcière !

Elle vit l'ombre d'un sourire naître sur les lèvres du garçon.

- Je n'ai jamais dit une chose pareille, se contenta-t-il de dire.

- Trop tard, fit Lily, tu t'es trahi. Enfin, est-ce que tu m'autorises à publier cet article avec ton prénom et ton nom en-dessous ?

Elle vit clairement qu'un conflit interne régnait en Potter. Comment peut-on avoir autant de fierté au point d'en renier ses sentiments ? Ça me dépasse !

- D'accord, soupira-t-il finalement, fais comme tu veux.

Puis, il se retourna et alla s'allonger de nouveau sur son canapé. Lily eut envie de l'interpeller pour le rassurer, lui dire qu'il était normal qu'il s'inquiète et que cela ne faisait pas de lui quelqu'un de faible et lui rappeler que son texte était très beau.

Pour une raison inconnue, elle n'osa pas le faire... Et elle retourna à l'écriture de son propre article.