💎05. La cabane de Caspian

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SIMON

Tard dans la nuit, alors que Simon en était rendu à marmonner en dormant à moitié, son père se décida enfin à partir se coucher.

— Tu peux aller dormir, annonça-t-il. Là, tu es en train de bafouiller des perles minuscules, ça ne sert à rien. Sois reposé demain matin pour reprendre là où tu en étais.

Exténué, Simon répondit d'un simple signe de tête, alors que son père vidait la soupière dans un sac qu'il emporta avec les autres joyaux et perles triés. En se tenant à sa chaise pour ne pas tomber, Simon se leva lentement et se massa la nuque, raide d'être resté courbé si longtemps. Eusèbe avait eu le droit de partir se coucher deux heures plus tôt, sûrement parce que leur père en avait eu assez de l'entendre se plaindre et de devoir chasser les animaux qu'il crachait, donc la maison était silencieuse et plongée dans le noir.

Sans un bruit, habitué à se déplacer en silence pour ne pas déranger son père, Simon grimpa jusqu'à sa chambre, éclairée par la lumière de la lune. Il y faisait aussi froid que d'ordinaire, puisque la pièce n'avait pas de cheminée, mais Simon s'en fichait à présent. Il ne pouvait pas rester ici et il ne dormirait plus jamais dans ces draps élimés et ce vieux lit au matelas défoncé.

En quelques gestes efficaces, il rassembla le peu d'affaires qu'il possédait pour fourrer le tout dans la grande sacoche de messager que Caspian avait récupérée sur une pile de détritus là où il travaillait. Cen l'avait réparée et avait même brodé un S comme un monogramme princier sur le rabat, lui rendant toute sa noblesse. Simon n'eut aucun mal à y loger ses maigres possessions, son unique chemise de rechange cousue par Cen, un livre que Caspian lui avait offert à son précédent anniversaire, une miniature représentant sa mère, et quelques petits trésors sans autre valeur que celle qu'il leur accordait.

Résolu en dépit de sa fatigue, il jeta un dernier regard à cette chambre qu'il quittait sans un regret, puis il se faufila en bas pour gagner la cuisine et sortir de la maison, enveloppé dans sa pelisse. Jamais encore il n'avait envisagé de quitter la demeure où il avait vécu toute sa vie, mais sa situation était désormais bien plus difficile qu'auparavant et il ne pouvait pas continuer à vivre de la sorte, parlant au-dessus d'une soupière jusqu'à ce que mort s'ensuive. Pour autant, il n'en voulait pas à la fée, même si son don s'avérait désastreux. Elle n'avait sans doute pas imaginé que cela lui vaudrait un tel traitement, et avait seulement voulu le récompenser. Ce n'était pas de sa faute si Monsieur Brûlart d'Androué était un homme cruel et avide.

Frissonnant dans l'air glacé de la nuit, Simon resserra les pans de son manteau autour de ses épaules et s'empressa de descendre le chemin menant vers la ville. La hutte branlante où vivait Caspian se trouvait à dix minutes de marche de chez lui, tout au bout d'un long chemin forestier longeant les bois depuis la Ferme de l'Orée. Malgré l'heure plus que tardive, il y avait une lueur chaleureuse sous la porte et c'est avec soulagement que Simon frappa au battant. Deux coups rapides, suivis d'un seul, puis de deux à nouveau, comme ils en avaient pris l'habitude avec Cen pour que Caspian n'ait pas à remettre sa vieille peau d'âne à chaque fois. De l'intérieur lui parvinrent des bruits de tissu puis de pantoufles traînées sur le sol, avant que son ami ne vienne lui ouvrir, l'air affolé.

— Que se passe-t-il ? Sim ? Que diantre fais-tu dehors à une heure pareille ? Entre vite, entre tu vas geler sur place !

Si la misérable cabane semblait sur le point de s'effondrer lorsqu'on la regardait depuis l'extérieur, elle était en fait bien solide, très propre et tout à fait confortable. Un feu brûlait joyeusement dans la cheminée, réchauffant l'espace, et les draps du lit étaient écartés, un livre abandonné sur l'oreiller. Caspian lui-même était en chemise de nuit, visiblement arraché à sa lecture.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant