🫅40. Rassembler les indices

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JUSTINIEN

Après avoir rangé rapidement la chambre, c'est à dire ramassé les perles et boutons éparpillés sur le sol et nettoyé les traces compromettantes sur le mur, Justinien et Simon partirent pour la salle à manger. Ils avaient bon espoir d'y trouver un déjeuner tardif, ainsi que le reste de la famille royale, mais c'était bien la première fois que Justinien voyait ses frères aussi moroses. Auguste avait des cernes sous les yeux et l'air de ne pas avoir dormi du tout, tandis que Maxime ne cessait de marmonner en gribouillant sur un morceau de parchemin. Parce qu'il était décidé à secourir Cen et Caspian au plus vite, Justinien les prit en pitié et décida de les aider.

— Alors ? interrogea-t-il en prenant place à table. À voir vos têtes, j'imagine que vous n'avez cessé de vous torturer l'esprit depuis le départ de vos cavaliers... qu'est-ce que vous avez comme informations jusque-là ?

D'expérience, il savait que Maxime était bien plus efficace lorsqu'il réfléchissait à voix haute et qu'Auguste n'était pas aussi idiot qu'il en avait l'air. Par-dessus la table, il croisa le regard de son père qui acquiesça silencieusement, approuvant ses méthodes.

— Pas grand-chose, grommela Auguste. Je sais seulement qu'ils sont menacés, et en danger. Cen avait les mains dans un état épouvantable et il dormait debout.

— Ann n'était pas mieux, confia Maxime. Il est couvert de plus d'hématomes et de cicatrices que de taches de rousseur, et je pouvais lui compter les côtes.

Avant de pouvoir dire quelque chose, Justinien vit Auguste plisser les yeux d'un air dangereux et pointer sa fourchette en direction de Maxime.

— Quand est-ce que tu l'as vu sans sa chemise, au juste ?

— Cette nuit, quand... Attends, je croyais que tu avais emmené Cen dans ton lit ?

— Pour dormir, espèce de sauvage ! Pour qui me prends tu ?! Cen voulait en savoir davantage sur mon voyage en Klaeder, alors je lui ai montré ce que j'ai ramené et il s'endormait sur mon épaule. Je l'ai mené au lit pour qu'il puisse dormir quelques heures confortablement, sauf que nous avons loupé minuit. Les seuls vêtements qu'il a retirés en ma présence étaient sa veste et ses chaussures !

— Oh. Euh...

C'était la première fois que Justinien voyait Maxime aussi embarrassé et il se sentit lui-même rougir alors qu'il évitait soigneusement de regarder dans la direction de Simon. Ce n'était pas du tout le moment pour laisser sa famille découvrir qu'ils étaient amants depuis le bal précédent et qu'Auguste était finalement le seul d'eux trois à avoir été sage cette nuit.

— À part ça ? coupa la reine en se mêlant à la conversation. Si vous voulez les retrouver, vous devez utiliser ce que vous savez et réfléchir. Commençons par Ann, que savez-vous de lui ?

— C'est un prince, répondit rapidement Maxime. De ça, je suis absolument certain. D'une manière ou d'une autre, il est lié à la Ferme de l'Orée et j'ai bien l'impression qu'il loge dans la misérable cahute où je l'ai aperçu avec Cen le jour du retour d'Auguste. Le métayer — un homme détestable — m'a assuré que l'habitant de cette cabane était un souillon surnommé Peau d'Âne, et que les seuls à lui rendre visite étaient Cul-Cendron et Cure-Chaudron, deux autres souillons. Nous ne pouvons qu'admirer l'imagination de ces gens en matière de sobriquets dégradants, mais vous conviendrez que deux d'entre eux ressemblent étrangement à Cen et Ann.

Justinien sentit la main de Simon se refermer sur la sienne et il entrelaça leurs doigts pour le réconforter, devinant sans peine que le troisième de ces surnoms imagés était celui qu'on lui avait attribué. Heureusement, Maxime continua son énumération sans remarquer leur trouble, mais Justinien ne lâcha pas la main de son compagnon pour autant.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant