La Fée Marraine (tomes 1 & 2)

🤕43. Visite princière

CÉDRIC

Quatre autres années passèrent, et Cédric abandonna tout espoir de revoir un jour Rivecœur. En revanche, à chaque anniversaire, alors que la Fée des Lilas apportait de trop rares nouvelles de Caspian, le manque de son frère se faisait plus cruel encore. Le jour de leur vingt-septième anniversaire, il fit une promesse solennelle, en prenant Solen à témoin.

— Je laisse encore une année s'écouler avant de perdre tout à fait patience. Si à notre prochain anniversaire je n'ai pas revu Caspian, je pars à sa recherche, dussé-je retourner le monde pierre par pierre pour le retrouver. Cela fera dix ans en septembre de l'année prochaine que nous avons été séparés, et je n'en peux plus d'attendre de le revoir et de repousser sans cesse le jour où j'unirai pour de bon ma vie à la tienne.

— Si tu veux bien de moi à tes côtés, je t'accompagnerai dans ta quête, promit Solen en retour. Comme une sorte de voyage de noces, anticipé ?

— Alors je ne doute pas de notre succès, répondit-il avec un tendre sourire.

Cette résolution de partir à la recherche de Caspian ne fit que grandir dans son cœur, se raffermissant à chaque mois qui s'écoulait. L'été passa, puis l'hiver à son tour, et enfin revint le printemps. Avec les beaux jours arriva surtout Auguste, parti faire un grand voyage pour célébrer ses trente ans. Un bal devait se tenir plus tard dans l'année, à la mi-juin, pour célébrer réellement cette nouvelle dizaine, et toutes les têtes couronnées de l'ouest du continent devaient s'y retrouver. Mais en attendant, Auguste s'arrêtait auprès d'eux pour quelques jours avant de reprendre la route vers Armancœur.

Bien évidemment, fidèle à lui-même, il voyageait seul et sans escorte, ressemblant bien davantage à un conteur itinérant qu'au prince héritier d'un royaume. Et il arriva sous une pluie battante, blotti sous une cape déjà trempée, avec la mine d'un chaton noyé. Bien avant qu'il ne franchisse les portes du palais, Cédric avait demandé à ce que l'on prépare un bain chaud pour l'accueillir, et Auguste eut à peine le temps de mener son cheval dans les écuries qu'il était déjà entraîné à l'abri du château et dans la chambre qu'il occupait à chacune de ses visites.

Plus tard dans l'après-midi, il les rejoignit dans le petit salon où la cheminée avait été allumée dans l'espoir de réchauffer l'atmosphère humide. Solen avait commandé un plateau de chocolats chauds et de biscuits, tout juste sortis du four, ce qui lui valut un sourire éblouissant de la part d'Auguste alors qu'il s'affalait dans un divan.

— Quel temps épouvantable ! dit-il avec humeur. Des lieues sous la pluie, beurk. Mais comme toujours, la chaleur de votre accueil en vaut largement la peine.

Cédric rit de voir ses yeux briller de convoitise alors que Solen lui tendait une tasse de chocolat chaud et l'assiette de biscuits. Fidèle à lui-même, Auguste en dévora trois avant de reprendre la parole.

— Je pourrais vous faire le récit de mon voyage, mais en vérité il y a bien plus intéressant que mes aventures. Je reviens tout droit de Rivecœur. Et cette fois, j'ai pu aller bien plus loin que la simple frontière.

L'air sérieux sur son visage toucha Cédric en plein cœur et il se blottit davantage contre Solen, puisant dans la chaleur de sa présence la force d'entendre le récit d'Auguste.

— Il y a toujours des contrôles à la frontière, et les questions n'ont pas changé. Toutefois, l'ambiance n'est plus du tout la même dans le royaume, et cette fois on m'a laissé passer sans me causer d'ennuis. J'ai donc franchi la frontière et je me suis rendu tout droit à la capitale, puisqu'on ne m'en empêchait pas.

— Comment est-ce ? demanda Cédric d'une voix tremblante.

— Pour le peuple, tout va bien. Je n'ai pas l'impression que la situation ait eu un véritable impact sur la vie quotidienne des gens. Mieux que ça : les impôts n'ont pas augmenté au cours des dix dernières années, alors personne ne va se plaindre. En revanche, au palais c'est très différent. Cela fait huit ans que personne n'a réellement vu la reine, elle s'est recluse dans ses appartements et n'en est plus sortie depuis lors.