🤕24. Dans le nymphée

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CÉDRIC

Quand il s'était joint à Solen pour une promenade dans les jardins à l'approche de l'orage, Cédric ne s'était certainement pas attendu à ce que les dernières semaines de non-dits accumulés crèvent en même temps que les nuages. Parvenir à exprimer ses doutes et ses angoisses était horriblement difficile, mais le pire était de voir Solen avec cette expression de chagrin qu'il aurait voulu ne jamais lui revoir. Son prince semblait vulnérable et blessé, les yeux brillants de larmes, ce qui était bien pire que le voir en colère.

— Je... je ne sais pas quoi faire, avoua Solen d'une toute petite voix. Je voudrais que tu puisses lire dans mon esprit, que tu puisses te voir comme je te vois, parce que je peux t'assurer que je te trouve magnifique, Cédric. Je t'aime tel que tu es, rendu chaque jour un peu plus charmant par l'action de nos dons, et je sais ce que c'est que d'être pris au piège de son esprit, mais... mais quoi que prétende le tien, tu es l'homme le plus désirable à mes yeux parce que tu es toi. L'homme que j'aime.

À un certain niveau, Cédric le savait, cependant il en fallait davantage pour compenser des années de dégoût de soi-même, de quolibets et de remarques désobligeantes.

— Il n'empêche que je reste pataud et grossier à côté de toi, et je préfère... ne pas avoir à soutenir cette comparaison, ni t'imposer de me voir...

Avant qu'il ne puisse continuer, Solen émit un son à mi-chemin entre la rage et l'exaspération la plus totale.

— Ce n'est pas comme ça que notre don devait fonctionner ! Tu es censé devenir beau et rester intelligent, et moi je suis censé rester beau et devenir intelligent. Sauf que là, tu es en train de devenir un idiot particulièrement stupide, Cédric.

L'emploi de son prénom, ajouté à sa voix dure étranglée par les larmes, firent comprendre au prince exilé qu'il était allé trop loin, bien qu'il ne sache pas du tout comment rattraper ça. Solen était visiblement furieux, irradiant d'une colère que Cédric ne lui avait jamais vue, et c'était la première fois qu'il haussait le ton contre lui.

— Je...

Il s'arrêta net en croisant le regard de Solen, parce qu'il n'avait rien à dire d'intelligent et que son compagnon ne tolérerait pas une bêtise de plus.

— Cela fait des semaines que je te vois à moitié nu pour soigner ta jambe ou ton dos, indiqua le prince d'Houdancœur avec un calme trompeur. Sans parler de nos étreintes partiellement habillées. Je pense pouvoir affirmer que je t'ai déjà vu complètement nu, et que tu es bien naïf de penser avoir encore quelque chose à me cacher.

— Mais...

Et puis, coupa fermement Solen, les dons de notre marraine font effet depuis des semaines ! Si tu ne veux pas me croire quand je te dis te trouver beau, peux-tu au moins cesser de te faire des illusions et regarder la vérité en face ? Tu n'es plus le même homme que lors de ton arrivée en Houdancœur, ton visage s'est adouci, ta jambe s'est redressée, ta bosse a commencé à disparaître... Ton corps change en même temps que mon esprit, mais de toute manière je m'en fiche parce que c'est toi que j'aime, et je le dirai autant de fois qu'il le faudra, jusqu'à ce que tu finisses par y croire. Je suis tombé amoureux de toi tel que tu es, parce que tu n'as pas besoin d'être le plus beau des hommes tant que tu continues à me sourire comme ça. Je me contrefous de ton apparence, Cédric, je te désire quoi qu'il arrive parce que c'est toi que j'aime et pas un autre, est-ce que tu comprends ça ?

Le sérieux mortel de son regard poussa Cédric à réfléchir réellement avant de répondre. Il était vrai que ses vieilles douleurs habituelles s'étaient émoussées au fil des dernières semaines, qu'il ne peinait plus autant à enfiler ses bottes, et que Solen devait lever la tête de plus en plus pour pouvoir l'embrasser, parce qu'il se redressait.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant