🌻38. Au tour de Cédric

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SOLEN

La demande de la duchesse Bonrepos fut en vérité la première d'une longue série, comme si le fait de l'avoir refusée avait attiré l'attention de tout le monde et attisé les convoitises. Solen ne savait pas trop quoi en penser, mais il s'attachait à répondre personnellement à chaque personne, avec une politesse qu'elles ne méritaient probablement pas. Cédric l'avait aidé à formuler un texte de refus, qu'il recopiait en y mettant les formes, indiquant qu'il était déjà engagé ailleurs et qu'il les remerciait pour leur intérêt, sans pour autant se dire touché ou honoré parce qu'il ne l'était absolument pas.

Son amant était parvenu à glisser une subtile pointe de sarcasme dans ses tournures de phrase, exprimant le désarroi de Solen à voir ces gens changer d'avis maintenant qu'il était réputé pour être aussi intelligent que beau, et c'était très satisfaisant à écrire. Solen se réjouissait de remettre à leur place tous ces gens qui l'avaient insulté lorsqu'ils le pensaient idiot et qui à présent pensait qu'il aurait oublié et serait honoré de lier sa vie à la leur. Non mais franchement.

Ce matin-là, alors qu'ils prenaient le petit déjeuner sur la terrasse pour profiter du beau temps, une nouvelle vague de courrier arriva pour tout le monde, y compris Cédric. Cela faisait un mois environ, depuis leur bal d'anniversaire en fait, qu'il recevait de plus en plus de lettres, ayant entamé des correspondances régulières avec les amis rencontrés en mai. Il n'était donc pas rare de trouver sur le plateau du courrier des missives destinées à Cédric en provenance de l'empire, de Sieben, de Camayenne, ou le plus souvent de Bergemont. Cette fois-ci cependant, certaines des lettres étaient bien houdancourtoises, et Cédric ouvrit la première avec curiosité.

— Ça par exemple...

Le ton incrédule de sa voix attira l'attention de Solen et il reposa sa propre lettre pour se pencher vers Cédric, lequel commençait à lire à voix haute.

— Altesse, veuillez considérer avec indulgence l'élan d'un cœur enflammé qui n'a connu de répit depuis le soir du bal célébrant votre vingtième anniversaire. C'est humblement que je vous offre et mon nom, et ma main, ainsi que la sécurité d'un domaine dont vous serez le maître autant que de mon cœur. Plus qu'un mariage, je veux vous offrir un asile et une famille, afin que plus jamais vous ne puissiez être étranger à votre patrie d'adoption. Je vous prie de ne pas me faire languir trop longtemps et de m'informer bientôt sur mon sort auprès de vous. Passionnément, Bastien de la Hautboiserie.

Pour le coup, Solen en resta sans voix, tout de même un peu offusqué de voir quelqu'un se permettre d'écrire de telles choses à Cédric sans même lui avoir adressé la parole.

— Il ne manque pas de culot celui-ci ! s'exclama-t-il finalement. T'offrir un asile et une famille, et puis quoi encore ? Il t'a vu au bal, et il pense que tu es traité comme un étranger ?

— Ce n'est même pas ce qui me choque le plus, répondit Cédric d'un air sidéré. Il m'assure d'un amour passionné mais... je n'ai pas la moindre idée de qui il peut être. Je ne l'ai jamais rencontré, j'ignore tout de lui. Et... pourquoi me demander moi en mariage ? Ça n'a pas de sens.

— Je suis prêt à parier que ces autres lettres sont autant de demandes, indiqua doucement la reine.

Solen ne savait pas s'il devait s'amuser de la surprise incrédule de son amoureux, ou s'attrister de voir qu'il pensait encore ne pas être digne d'affection et de désir.

— Je crois que n'importe qui t'ayant vu au bal est un peu tombé amoureux, déclara-t-il avec un clin d'œil. Si nous n'avions pas déjà été ensemble, je t'aurais certainement fait ma demande dans la soirée. Tu étais magnifique, charmant et éblouissant avec ce corset.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant