✨Le don de la fée

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Il était une fois, la reine Louise d'Houdancœur et son époux, le roi Constant, dont la famille venait de s'agrandir avec la naissance de leur premier enfant. Le petit prince était né dans la lumière chaleureuse du soleil de midi, aux beaux jours du mois de mai, et ses parents l'avaient prénommé Solen. Ils étaient en train de se réjouir et de s'émerveiller de leur petit prince, lorsque la Fée des Lilas se présenta dans la chambre.

Elle s'était penchée la veille sur le berceau des princes jumeaux de Rivecœur et elle venait de traverser Armancœur, avec un arrêt au manoir de Frêne-Aux-Lys, pour venir exprès bénir la naissance du prince Solen. Celui-ci était un enfant ravissant, avec la peau de la couleur du miel, de grands yeux bruns et de premiers cheveux promettant de devenir un or sombre comme son père.

— Quel adorable enfant ! s'extasia la fée. Hélas, j'ai bien peur qu'il n'ait en beauté ce qu'il n'a pas en esprit. Il me semble que ses yeux ne brillent guère d'intelligence et je crains qu'il ne fasse preuve d'une certaine bêtise... Pour compenser cela, je lui fais don de pouvoir donner une part de sa beauté à la personne qu'il aimera le mieux.

Du bout de sa baguette, elle saupoudra le berceau d'une pincée d'étincelles et le bébé ravi gazouilla en tentant de les attraper, avant d'éternuer quand elles touchèrent son visage. Attendrie, la fée se demanda combien de temps il faudrait à tous ses dons pour se mettre en place, puis elle haussa les épaules et songea qu'elle verrait bien. Adressant une révérence aux parents étonnés, elle s'envola pour rentrer chez elle, bien contente d'avoir quatre nouveaux filleuls sur lesquels veiller pour tromper l'ennui de l'immortalité.

La reine et le roi étaient bien surpris de cette visite, et assez circonspects quant aux paroles de la fée. Toutefois, ils étaient assez sages pour ne pas chercher à contredire un aussi puissant personnage, parce qu'ils savaient très bien ce qui arrivait à ceux qui osaient contrarier une fée. Alors ils cherchèrent un parrain pour Solen, et choisirent le frère aîné du roi Constant, le roi Violent d'Ernemont.

En dépit de l'étrange prédiction de la Fée des Lilas, le petit Solen grandit dans l'amour de ses parents. Ces derniers ne parvinrent jamais à avoir un second enfant, mais au lieu de s'en attrister, ils n'en chérirent que davantage leur fils unique. Et le prince était un exemple de beauté et de charme, mais hélas il devint vite évident que la fée avait eu raison et que l'esprit ne serait jamais sa principale qualité.

Il fallut d'incroyables efforts et faire appel aux meilleurs professeurs du continent pour qu'il parvienne à lire et à écrire, sans grand succès. À dix ans, il était à peu près capable d'écrire son nom ainsi que quelques phrases simples, et il parvenait à lire au prix de grandes difficultés. Il avait si mauvaise mémoire que, malgré ses efforts et toutes les tentatives de ses parents, tout ce qui lui entrait par une oreille ressortait par l'autre, ou bien se mélangeait complètement dans son esprit. À dix ans, il avait plus d'amis qu'il ne pouvait en compter, parce qu'il ne savait de toute manière pas compter, et il commençait à se retrouver seul de plus en plus souvent parce qu'il ne comprenait jamais les jeux des enfants de son âge.

Pour autant, ses parents l'aimaient toujours autant et faisaient leur possible pour qu'il puisse s'épanouir malgré tout, avec l'espoir que le futur lui permette de trouver le bonheur même avec un esprit aussi embrouillé que le sien.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant