CÉDRIC
Si Cédric avait craint d'être intimidé en présence de Savinien, il n'en fut rien. Celui-ci vint le trouver avant qu'ils n'entrent dans le château avec le reste du convoi, suivi de près par le prince Roxan dont le sourire était presque aussi doux que celui de Solen.
— Cédric, je présume ? demanda Savinien en tendant la main. J'étais terriblement impatient de faire ta connaissance.
— Moi de même, avoua-t-il. Je suis un grand admirateur de tes œuvres.
— Je le savais ! s'exclama Roxan avec un rire. Tu me dois dix écus, Vi !
Avec une moue embarrassée, Savinien secoua légèrement la tête en croisant le regard de Cédric.
— La réputation de ton esprit a largement franchi les frontières, expliqua-t-il. Je pensais que mes textes ne seraient pas à la hauteur de ton érudition, mais Rox me soutenait le contraire. Et comme bien souvent, il avait raison.
— Mon érudition ? répéta Cédric en s'étouffant. Je suis bien loin d'être aussi érudit qu'on le prétend ! Et je suis bien trop jeune pour cela. En revanche, j'ai toujours adoré tes textes, et je me suis d'ailleurs permis de les citer en plusieurs occasions. Le grand-père de Solen est également un fervent admirateur de ton travail, il sera certainement ravi de converser avec toi. Il m'a d'ailleurs offert l'Aiglon de Bergemont, dédicacé de ta main, pour mon précédent anniversaire.
— Oh misère, gémit Roxan. Je vois que c'est une cause perdue. Si vous voulez bien m'excuser, je vais aller rejoindre les autres et vous laisser converser. C'était un plaisir de faire ta connaissance, Cédric, et un plaisir de te connaître, Vi.
Sur un salut dramatique, il les laissa seuls alors que Savinien se mettait à rire, une tendresse évidente dans le regard. Leur complicité était visible, au point que Cédric se demande s'ils étaient aussi proches que Solen et lui. Mais il avait bien d'autres questions à poser d'abord, et elles concernaient toutes la littérature et le théâtre. Ils se retrouvèrent donc à parler à bâtons rompus, toujours sur le perron de l'escalier d'honneur, et Cédric se demanda distraitement s'il avait un jour rencontré quelqu'un avec qui il pouvait s'emballer librement au sujet de sa passion pour le théâtre, hormis le grand-père de Solen mais il était un peu trop âgé pour que leurs goûts concordent aussi bien. Alors que Savinien... c'était un peu comme de se découvrir un deuxième frère jumeau, mais en esprit plutôt qu'en figure. Quoique...
— J'étais également affublé d'un physique que les rumeurs exagéraient au point de la laideur épouvantable, confia Savinien. La fée que je tiens pour marraine, et qui n'a rien à envier à la vôtre en termes de dons douteux, m'a doté à la naissance d'un nez démesuré en assurant que je ne serais heureux que le jour où je prendrais conscience de sa taille. Il m'a fallu pour cela supporter les remarques et les moqueries mêlées de flatteries, et que Roxan se fasse enlever pour que cette espèce de prophétie se réalise. J'ai désormais un nez tout à fait ordinaire, peut-être un peu plus grand que la moyenne, et j'en suis tout à fait satisfait.
— Les fées ont décidément des idées farfelues, compatit Cédric. Toutefois, je ne peux que me réjouir de voir ma figure actuelle car c'est beaucoup plus confortable d'avoir deux jambes de la même taille et de pouvoir se tenir tout droit. Sans parler d'avoir les deux yeux regardant dans la même direction, cela simplifie grandement la lecture !
En riant, Savinien ouvrit la bouche pour répliquer, mais alors un laquais sortit pour leur annoncer qu'ils étaient attendus dans le grand salon, et le reste de la conversation fut remis à plus tard.
***
Deux jours plus tard, ce fut au tour de la délégation impériale d'arriver en fin de matinée, menée par les princes Jens et Erling chevauchant en tête. Ils apportaient eux aussi un convoi entier de malles et de présents, attisant la curiosité de Solen au point que Cédric s'attendait presque à le voir chaparder une boîte pour en découvrir le contenu.
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La Fée Marraine (tomes 1 & 2)
RomanceIl était une fois, entre les royaumes d'Armancœur, Rivecœur et Houdancœur, la Fée des Lilas que le hasard avait dotée de nombreux filleuls. À vouloir faire le bien, il arrive que des maladresses se produisent, et tous les dons ne sont pas toujours p...