🫅07. Un prince égaré

113 23 15
                                    

JUSTINIEN

Le prince Justinien ne passait pas une bonne soirée. En fait, il serait même plus juste de dire qu'il n'était pas loin de désespérer totalement. La journée avait pourtant si bien commencé, il était parti du château peu après l'aube avec quelques amis pour profiter des promesses de beau temps afin d'aller voir l'avancée des travaux du pont au sud de la capitale. Le soleil les avait accompagnés une bonne partie de la journée, et il avait été enchanté de constater que les travaux touchaient à leur fin et que les ouvriers étaient très satisfaits de leurs progrès.

C'était au retour que les choses s'étaient gâtées. Naïvement peut-être, Justinien avait voulu reprendre la route au long de la forêt, parce que son frère aîné lui avait vanté les beautés des arbres couverts de neige. Mais ils s'étaient fait surprendre par la tombée de la nuit et l'arrivée du mauvais temps, et en plus de ça, Justinien s'était bien évidemment perdu. Il ne savait même pas pourquoi il s'en étonnait, à force.

— Je suis désolé, répéta-t-il pour la quatrième fois. Nous aurions dû reprendre la route de l'aller...

La fatigue de la journée s'ajoutait à son angoisse, ce qui ne l'aidait pas du tout à réfléchir, et il n'avait plus la moindre idée de l'endroit où ils se trouvaient, ni même de la direction à suivre pour rentrer au palais. La panique lui glaçait le cœur, parce qu'il se persuadait qu'ils allaient tous mourir de froid, perdus à moins de dix lieues de la maison, tout ça parce qu'il était désespérément incapable de se repérer.

— Ce n'est pas de votre faute, tempéra Barbin. Ne perdez pas espoir, nous allons bien finir par arriver quelque part !

Justinien ne pensait pas mériter des amis aussi patients, surtout que ce n'était pas la première fois qu'il se perdait, et eux avec lui. Ils auraient sûrement pu se repérer mieux que lui, si tant est qu'ils avaient été familiers des lieux, mais ils venaient tous de familles établies loin de la capitale. Leurs parents les avaient envoyés au palais pour qu'ils fassent leurs armes auprès de la cour, mais ils n'étaient pas à Bétournet depuis assez longtemps pour en maîtriser les environs.

— Altesse ! appela soudain Marcillac. Regardez, voilà quelqu'un qui saura sans doute nous renseigner !

Plissant les yeux, Justinien regarda dans la direction qu'elle indiquait et sentit son cœur se liquéfier de soulagement en apercevant la silhouette encapuchonnée d'une personne sur le bord de la route. À une heure si tardive, avec la neige qui tombait dru, c'était un miracle de tomber sur quelqu'un et Justinien arrêta aussitôt son cheval à sa hauteur. Mais avant qu'il ne puisse l'interroger, le voyageur posa un genou en terre, la tête baissée. Atterré de le voir gâter son pantalon pour lui alors qu'il n'avait plus rien d'un prince en cet instant, Justinien s'empressa de mettre pied à terre devant lui.

— Relevez-vous, demanda-t-il doucement. Nous ne sommes pas au palais et votre pantalon va prendre l'eau. Je ne mérite pas que vous soyez transi à cause de moi.

Maladroitement, le voyageur se redressa et Justinien se sentit encore plus mal de voir qu'il avait l'air aussi épuisé que lui se sentait.

— Nous nous sommes perdus dans la forêt, avoua-t-il. Le chemin dont je croyais me rappeler a changé et à cause de moi nous sommes tous perdus ici en pleine nuit au lieu d'être de retour au chaud au palais. Pouvez-vous nous indiquer la route pour regagner le palais royal ?

Sans répondre, l'homme pointa du doigt la direction d'où ils venaient, et Justinien le dévisagea en clignant des yeux, attendant qu'il parle. Mais le voyageur restait silencieux et insistait en montrant la route, avant de dessiner vaguement la forme du château avec ses mains, et la lumière se fit enfin dans l'esprit fatigué de Justinien.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant