🌻42. Rivecœur

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SOLEN

Dès leur retour d'Ernemont, Cédric entreprit de rédiger une lettre à destination de Rivecœur, dans l'espoir d'obtenir des informations officielles. Ce fut la première fois que Solen le vit autant peiner à trouver ses mots. En deux jours, Cédric avait rédigé les salutations d'usage et la première ligne, tout comme il avait rempli leur bureau de brouillons froissés et de plumes esquintées. Ses cheveux roux, désormais assez longs pour atteindre ses omoplates, étaient emmêlés à cause des trop nombreux passages de ses mains, et il avait l'air misérable, à tourner et retourner chacun de ses mots sans parvenir à formuler des phrases entières.

— Veux-tu que je rédige un brouillon pour toi ? offrit Solen en désespoir de cause.

Après deux jours de ce traitement, il ne savait plus quoi proposer pour aider son amant et il désespérait de lui offrir une solution afin de lui rendre sa tranquillité d'esprit. Avec un soupir à fendre le cœur, terriblement proche d'un sanglot, Cédric parut s'effondrer sur lui-même et Solen s'empressa d'enrouler ses bras autour de lui pour l'enlacer, le visage pressé contre ses cheveux. Maintenant que Cédric était bien plus grand que lui, les occasions de le tenir ainsi étaient rares et Solen les chérissait d'autant plus.

— Je... je veux bien, murmura Cédric. Je ne sais pas quoi écrire, ni à qui m'adresser.

Pour qu'il en soit rendu là, c'est que son angoisse avait pris le dessus, parce qu'il était d'ordinaire le meilleure d'eux deux en ce qui concernait les missives officielles. Alors Solen tira son siège pour s'asseoir à côté de lui et se mit à écrire, lisant ses mots à voix haute, jusqu'à ce que Cédric s'estime à peu près satisfait du message. Puis ils envoyèrent la lettre, premier geste qu'ils avaient vers la reine de Rivecœur depuis cinq ans.

Il s'avéra toutefois qu'ils s'étaient donné beaucoup de mal pour rien, puisque la lettre leur revint à la fin de la semaine, toujours cachetée. Elle n'avait même pas franchi la frontière. Un simple message était inscrit au dos, d'une écriture sobre rendant son message laconique d'autant plus désagréable.

«Sa Majesté la Reine ne souhaite pas avoir commerce avec le royaume qui lui a volé son fils.»

C'était tout, il n'y avait rien d'autre, et Solen aurait voulu frapper la personne qui avait rédigé cette phrase, tout autant que la reine elle-même. Mais il n'avait personne à qui faire payer les larmes dans les yeux doux dont il était amoureux, et la seule chose qu'il put faire fut d'enlacer Cédric alors qu'il sanglotait contre son épaule.

— Cela n'a aucun sens ! s'agaça son père de l'autre côté de la pièce. Duquel de vous deux est-il question, Caspian ou toi ? Nous n'avons volé aucun de vous, pour l'amour du Ciel !

— Mais nous avons clairement fait comprendre que Cédric était sous notre protection, tempéra doucement sa mère. Nous avons empêché la capitaine Maisonneuve de l'emporter en Rivecœur, nous l'avons revendiqué comme nôtre, et plus encore avec l'officialisation de vos fiançailles il y a deux ans.

— Peut-être devrions-nous tenter d'aller voir par nous-mêmes ? proposa timidement Solen. C'est une chose de renvoyer une lettre, c'en est une autre de refuser de parler à une ambassade officielle d'un royaume voisin, non ?

— Ce pourrait être mal interprété, objecta son père. Non, je pense que dans cette situation, il faut agir plutôt avec subtilité et discrétion...

Ce ne fut pas une conversation facile à avoir, parce que Cédric était comme anéanti et qu'ils avaient tous un avis différent sur la question. Toutefois, Solen finit par avoir gain de cause et il fut décidé qu'il se rendrait lui-même à la frontière, pour voir si on lui accordait le passage et une audience auprès de la reine. Loin de partir seul, il serait escorté d'un petit bataillon de la garde, sous les ordres d'un jeune capitaine connu pour sa tempérance et sa diplomatie.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant