La Fée Marraine (tomes 1 & 2)

💎61. Le dernier sauvetage

SIMON

Laissé seul à nouveau, Simon décida cette fois d'essayer de déterminer si la nature des mots avait une influence sur celle des joyaux. Il entreprit donc de parler plus ou moins fort, plus ou moins vite. Plus les mots étaient longs et plus les joyaux étaient gros. Le mot le plus long de son vocabulaire manqua le laisser avec une énorme perle coincée dans la gorge qui le fit tousser pendant de longues minutes. La force de sa voix et la vitesse ne semblaient pas avoir une grande influence, en revanche les jurons donnaient des diamants très coupants, alors que les mots d'amour étaient les plus doux à prononcer, produisant des pierres toutes rondes.

Après cinq ou six heures d'essais, il était capable de deviner à l'avance ce qu'il allait cracher, mais ça n'en rendait pas la situation plus confortable pour autant. Les perles, parfaitement rondes, lui donnaient la nausée. Les joyaux lui blessaient la mâchoire. Et les diamants étaient coupants. Il avait mal partout, à la mâchoire, la langue et la gorge, ses lèvres étaient en sang et il mourait de soif. La faim ne lui était pas revenue, pourtant il avait conscience de s'affaiblir terriblement. Et toujours, aucun signe de qui que ce soit. Une nouvelle fois, avec prudence, il tenta de se redresser et y parvint avec plus ou moins de succès. Mais quand il voulut se lever réellement, sa tête heurta le plafond, faisant exploser des étoiles douloureuses dans ses yeux. Une volée de jurons lui échappa alors qu'il se laissait tomber sur le sol pour essayer de reprendre son souffle.

— Une chose est sûre, maugréa-t-il, ce type est plus petit que moi.

Mais plus petit ou pas, il restait largement en position de pouvoir par rapport à lui. Pour l'instant. Parce que Simon se promettait de lui faire payer, sitôt qu'il serait sorti de là.

Malheureusement, une autre journée s'écoula sans la moindre évolution positive de sa situation. Il avait la migraine en permanence à présent, tout son corps lui faisait mal, et sa cellule empestait la transpiration, l'urine et le désespoir. L'homme revint chercher les joyaux pour la fête, et parut si impatient qu'il ne lui adressa pas un mot, se contentant de vider le seau et lui balancer une nouvelle gourde. Après ça, Simon se roula en boule sur le sol et essaya de simplement dormir, pour ne plus penser à rien. Il devait commencer à avoir de la fièvre, parce que soudain, l'homme était de retour, le frappant avec son pied pour le réveiller.

— Il me faut plus de perles ! aboya-t-il. Debout ! Le prince Auguste a complimenté ma dernière tenue, je veux des perles, et des boutons en diamants pour être encore plus éblouissant que le prince d'Houdancœur !

Nauséeux et à bout de force, Simon se redressa péniblement, avant de sursauter brusquement lorsqu'une voix dure résonna derrière son geôlier.

— À ta place, je ne compterais pas trop là-dessus !

La lumière augmenta d'un coup, précédant de peu Justinien, lame à la main. Simon ne lui avait jamais vu cet air furieux et vengeur, mais il le trouva plus beau que jamais et le soulagement le terrassa presque. Mais avant qu'il ne puisse rassembler assez d'énergie pour se relever, son ravisseur le saisit par la gorge, l'immobilisant douloureusement.

— Je me dois de vous féliciter, Altesse, grinça-t-il. Vous avez réussi à me démasquer. Mais ce n'est pas pour autant que vous me tenez. Faites un pas, un seul, et je lui brise la nuque. J'ai assez de diamants et de joyaux pour vivre riche sur plusieurs générations, je n'ai plus vraiment besoin de lui.

Cette fois, Simon en eut assez. Assez d'être enfermé, assez de devoir subir tous ces sévices pour un don qu'il n'avait jamais désiré, assez d'être torturé, assez d'être gardé loin de l'homme qu'il aimait. Calmement, mûrissant sa colère, il réfléchit au mot qui conviendrait le mieux, le retourna plusieurs fois dans sa bouche pour laisser le temps au diamant de prendre forme, puis il se redressa autant qu'il le put en dépit de sa gorge comprimée.