🪦Épilogue

128 26 6
                                    

AUGUSTE

Sous l'éclatant soleil de juillet, le marbre rose du mausolée des Frêne-Aux-Lys était d'un blanc presque aveuglant. Grâce à l'ombre des grands cèdres d'Eslam, il faisait agréablement frais dans le cimetière royal, d'autant qu'une petite brise légère soufflait depuis le matin, transportant le doux parfum des roses étoilées. Auguste en était heureux, car il pouvait ainsi garder la main de Cen entremêlée à la sienne sans que la chaleur les incommode.

Son ami avait saisi sa main sitôt que le carrosse s'était arrêté devant l'entrée du cimetière, et ne l'avait pas lâchée depuis, cherchant un point d'ancrage qu'Auguste était plus que ravi de lui offrir. Sa mère avait souri de les voir ainsi, sans faire le moindre commentaire, et s'était contentée de passer le grand portail en les invitant à la suivre. Et Cen ne lui avait pas lâché la main, entrelaçant au contraire leurs doigts davantage.

— J'ai fait refaire la plaque, annonça doucement la reine en s'arrêtant devant la porte du mausolée.

À chaque fois qu'Auguste pensait au fait que c'était la première fois que Cen pouvait rendre visite à la tombe de ses parents, il avait envie de hurler ou de pleurer. D'autant plus que, pour sa part, il s'était rendu plusieurs fois dans ce mausolée, accompagnant sa mère, pour venir fleurir la tombe de son parrain qu'il n'avait que très peu connu. Enfant, il s'était toujours attristé de l'inscription trop sobre, gravée dans le marbre.

Le Comte de Frêne-Aux-Lys (1671-1705), son épouse (1673-1702) et leur fils (1697-1705)

Savoir qu'un garçon si jeune se trouvait là lui avait brisé le cœur, et aujourd'hui il ressentait un réconfort très doux à la chaleur de la main de Cen dans la sienne et au bonheur de pouvoir le tenir dans ses bras, bien vivant. Désormais, sur la belle plaque de marbre rose gravée d'élégantes lettres d'or, on pouvait lire une nouvelle inscription.

Arabella de Frêne-Aux-Lys, belle parmi les belles (1673-1702)

Et son époux bien aimé, Benedict, huitième comte de Frêne-Aux-Lys (1671-1705)

L'ajout de leurs prénoms avait ôté une sorte de formalité à l'endroit, le rendant plus personnel, mais Auguste était surtout très satisfait de ne plus voir mention de l'enfant dont il avait pleuré la mort des années plus tôt, sans savoir qu'il s'agissait de l'amour de sa vie.

— Je n'ai jamais pu venir ici, murmura Cen en s'avançant pour effleurer le marbre. Le cimetière royal était trop loin, trop inaccessible. Et de toute manière, j'ignorais qu'ils reposaient ici.

— Vous pouvez venir aussi souvent qu'il vous plaira, promit la reine. Je suis désolée de ne pas vous avoir amené plus tôt, mais je tenais à ce que la plaque soit changée avant votre visite.

Auguste se demandait ce que cela pouvait bien faire, de se trouver face à sa propre tombe, et il fut heureux que Cen n'ait pas eu à vivre cela. Prudemment, il s'approcha de son ami, craignant de le voir s'effondrer, pourtant Cen tourna le visage vers lui avec un sourire doux et lumineux. Puis il fit quelque chose qui emporta le peu du cœur d'Auguste qui n'était pas encore fou amoureux de lui : il porta leurs mains liées à ses lèvres pour embrasser ses doigts, avant de poser son autre main sur le marbre.

— Papa... Maman... Vous me manquez terriblement. J'aurais aimé pouvoir vous rendre visite ces dernières années pour vous dire que j'allais bien, mais cela aurait été mentir. Toutefois, tout est enfin terminé, et j'ai retrouvé une véritable famille. Sa Maj... je veux dire, Catherine...

En apercevant le regard de sa mère, Auguste étouffa un petit rire, parce qu'elle insistait pour que Cen l'appelle par son prénom et se considère comme un membre de la famille royale. Il savait que, même s'il n'épousait jamais Cen, celui-ci resterait toujours un des leurs, et c'était un autre réconfort merveilleux.

— Catherine m'aide à redécouvrir le bonheur d'avoir des parents aimants, continua Cen. Et surtout... surtout, j'aimerais vous présenter Auguste. Gus. Mon prince charmant. Je crois... je crois que je vais l'aimer plus que quiconque.

Cette manière si douce, si timide d'envisager leur avenir et leur amour charmait Auguste à chaque fois, et il se rapprocha pour mieux enlacer Cen, sa main à plat sur son ventre, vaguement conscient que sa mère reculait de quelques pas pour leur laisser un peu d'intimité.

— Je promets de faire en sorte que plus jamais votre fils ne doute d'être aimé, murmura-t-il en posant le menton sur son épaule. J'aurais aimé que vous soyez là pour nous voir grandir, mais je sais que vous êtes fiers de nous à présent. Il faudra que Cen vous présente Caspian, c'est lui son véritable prince charmant. Et Simon aussi.

— Ne dis pas de bêtises ! rit Cen. Ann et Sim sont ma famille, mes compagnons d'infortune, les deux tiers de mon cœur. Mais mon prince charmant, c'est toi.

Auguste était incapable de dire ce qu'il aimait le plus, entre le naturel avec lequel Cen le tutoyait désormais, ou bien la tendresse implicite dans ses paroles et ses sourires. Ils se laissaient le temps de tomber amoureux, doucement, tranquillement, dans la paisible certitude d'avoir le reste de leur vie devant eux, et Auguste n'était pas sûr d'avoir été un jour aussi heureux.

— Je vous présenterai Caspian et Simon, reprit Cen en effleurant le marbre du bout des doigts. Mais pour le moment, ils sont un peu occupés à préparer leurs fiançailles.

Avec la date du bal fixée à la fin de la semaine, le palais était en ébullition et Auguste s'amusait beaucoup de voir monter l'appréhension de son petit frère autant que de Simon. D'autant plus qu'ils n'avaient pas mis longtemps à découvrir que la Fée des Lilas avait ajouté une dernière modification à son don. Résultat : chaque fois que Simon laissait échapper un juron, il se changeait en diamant ou en perle. C'était extrêmement divertissant, et Auguste observait tout cela avec l'intérêt amusé d'un grand frère, tout en songeant avec impatience et excitation que ce n'était sans doute qu'une question de mois avant que ce ne soit son tour d'organiser ses propres fiançailles. Il avait hâte de tomber chaque jour plus amoureux de Cen, et de consacrer le restant de sa vie à le faire sourire.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant