La Fée Marraine (tomes 1 & 2)

🧵23. Retour au manoir

CENDRILLON

Dans la cour du palais, Cen avait malgré tout passé une soirée très agréable. Certes, ce n'était pas comparable aux quelques heures partagées avec le charmant Gus, mais la franche camaraderie des cochers et des valets lui avait permis de prolonger la magie du bal. De temps en temps, quelqu'un venait les prévenir qu'une personne avait demandé sa voiture, et quelques-uns s'excusaient pour partir, en remerciant chaleureusement Cen pour ce qu'il leur avait apporté.

À l'approche de l'aube, le bal toucha à sa fin et ils furent appelés les uns après les autres, pour que recommence la lente procession des carrosses. Pelotonné sous la veste de Gus, Cen luttait contre les bâillements et s'autorisa même quelques minutes de sommeil, confiant dans la capacité de ses chevaux à suivre le mouvement de ceux qui les précédaient. Il avait espéré apercevoir son cavalier, pour au moins apprendre de quelle maison il était, mais puisqu'aucun des cochers ne l'avait reconnu, cela voulait sans doute dire qu'il faisait partie de la cour permanente et ne quitterait pas le château. Autant donc profiter de l'embouteillage pour dormir un peu.

Enfin, après plus d'une heure d'attente somnolente, il arrêta le carrosse au pied de l'escalier d'honneur et descendit pour ouvrir la portière à Javotte et Anastase. Comme d'ordinaire, sa demi-sœur babillait avec excitation, sans même lui accorder un regard alors qu'il l'aidait à grimper dans la voiture.

— Et il a disparu, comme ça ! Personne ne l'a revu après ça, et d'après ce que j'ai entendu dire, c'est la raison pour laquelle le prince Auguste n'a dansé avec personne d'autre.

— Parce que son cavalier s'est enfui ? releva Anastase. Quelle drôle d'idée. Je pense plutôt qu'il n'est pas un grand danseur et qu'il préférait converser avec d'autres personnes, comme un homme sensé. Après tout, il cherchait un compagnon de voyage, n'est-ce pas ? Un danseur ne lui serait d'aucune utilité. Eh bien, Cendrillon, tu bâilles aux corneilles ? Qu'est-ce que tu attends pour lancer les chevaux ? Je ne rêve que d'aller me coucher, certains d'entre nous n'ont pas paressé toute la soirée !

Rappelé à l'ordre, Cen grimpa sur son siège et manœuvra le carrosse pour quitter le palais et prendre la route de chez eux en essayant de ne pas réfléchir à ce qu'il venait d'entendre. Lorsqu'ils arrivèrent enfin au manoir, le jour se levait et il peinait à garder les yeux ouverts. Sitôt qu'il descendit ouvrir la portière, ses passagers se précipitèrent à l'intérieur, tandis qu'il menait l'attelage aux écuries pour s'occuper des chevaux.

Lorsqu'il entra enfin à son tour, ce fut pour aller aider Javotte et Anastase à se dévêtir pour aller se coucher. Son demi-frère ne prononça guère plus de quelques mots et le renvoya sitôt en chemise de nuit, mais Javotte, elle, passa tout son temps à babiller joyeusement, probablement un peu ivre.

— Si tu étais venu au bal, tu aurais été bien surpris ! Deux princes inconnus étaient présents, en plus de Leurs Altesses d'Armancœur. Tout le monde n'a cessé de les admirer, et comme ils avaient les plus beaux costumes de la soirée, couleur du temps et couleur d'automne, les gens assuraient que c'était toi qui les avais habillés. Ce qui est ridicule bien sûr, mais grâce à cette rumeur, on m'a plusieurs fois demandé s'il s'agissait de membres de notre famille et par conséquent j'ai pu danser avec dix des plus grands gentilshommes du royaume !

Tout en s'affairant à démêler ses cheveux, Cen l'écouta décrire chacun de ses cavaliers, en regrettant amèrement qu'elle ne se soit pas tordu la cheville dès la première danse. Et puis enfin, elle changea de sujet.

— En vérité, j'aurais préféré danser avec l'un des princes, qu'il s'agisse des nôtres ou même de l'un des deux étrangers ! Toutefois, le prince Justinien n'a dansé qu'avec son assistant, le prince Maxime n'a pas quitté le mystérieux inconnu vêtu aux couleurs du temps, et le prince Auguste a disparu avec le second jusqu'à minuit.