🪦01. Grandir malgré la peine

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Au royaume d'Armancœur, la capitale était sans conteste la plus belle ville du pays. Le palais royal la surplombait depuis une colline élevée artificiellement par de lointains ancêtres des souverains actuels, une petite forêt en agrémentait les abords et une belle rivière l'enlaçait amoureusement de ses bras calmes et aisément navigables. Toutes les nobles familles du royaume possédaient au moins une maison de ville ou un petit manoir à Bétournet, et les Brûlart d'Androué ne faisaient pas exception à la règle. Leur belle demeure se trouvait en bordure de la ville, sur l'une des petites collines qui la bordaient, juste assez proche du centre pour permettre une vie mondaine, tout en restant à proximité de la nature et de la campagne.

L'héritière de la famille, Mademoiselle Emmeline Brûlart d'Androué, avait épousé assez jeune un homme d'excellente réputation. Dans la première année suivant leur mariage, elle mit au monde un garçon et le caractère de son mari commença subtilement à changer. Il se fit plus exigeant, plus colérique parfois, mais retrouvait toujours son charme et sa politesse après quelques haussements de voix. Emmeline ne s'en inquiéta pas, du moins pas avant qu'il ne soit trop tard. Elle était alors enceinte de leur deuxième enfant, et sa santé commença à se dégrader. Sous couvert de s'en inquiéter et d'être aux petits soins pour elle, son mari la laissait alitée toute la journée, assommée par des décoctions médicales, et se préoccupait bien plus d'administrer l'immense fortune familiale.

L'automne approchait lorsque vint le moment de la naissance. Épuisée, malade et affaiblie, Emmeline se battit des heures durant avec l'aide de la sage-femme, pour mettre au monde un second garçon. Elle eut à peine la force d'embrasser son front et de lui donner un nom, avant que son corps éprouvé ne rende les armes. On l'enterra le jour du baptême du petit Simon, et Monsieur Brûlart d'Androué devint seul propriétaire des nombreuses possessions de la famille.

On était alors quelques mois seulement après la visite de la Fée des Lilas dans la belle maison couverte de glycine du comte de Frêne-Aux-Lys. Le petit garçon qui habitait là, riche de deux marraines aussi prestigieuses qu'une fée et une souveraine, faisait surtout le bonheur de ses parents. La comtesse Arabella passait pour l'une des plus belles femmes de la capitale, mais tout le monde s'accordait à dire qu'elle n'avait jamais été aussi resplendissante que depuis son mariage avec le comte Benedict et la naissance de leur fils. Elle rayonnait de joie, et ses beaux yeux gris qui avaient fait sa réputation brillaient toujours de l'éclat d'un rire ou d'un sourire.

Deux années passèrent, et les Frêne-Aux-Lys eurent la joie de voir le ventre d'Arabella s'arrondir à nouveau. La perspective de cette naissance à venir les comblait de bonheur, et l'on réfléchissait aux personnes que l'on pourrait nommer comme parrain ou marraine de l'enfant. Après tout, l'aîné était le filleul de la Fée des Lilas et de la reine Catherine, et le comte Benedict était lui-même le parrain du prince Auguste, alors on n'allait pas choisir n'importe qui pour ce baptême à venir.

Hélas, avec l'arrivée de l'hiver, Arabella tomba malade. Tout comme Emmeline Brûlart d'Androué quelques années plus tôt, elle perdit peu à peu ses forces, jusqu'à ne plus pouvoir quitter son lit. Pour elle, Benedict fit appel aux meilleurs médecins du royaume, y compris à la médecienne royale que la reine envoya personnellement, sans succès. Pour le plus grand désespoir de son entourage, la comtesse rendit son dernier souffle, emportant avec elle l'étincelle de joie qui brillait dans les yeux gris si semblables de son fils et de son mari.

La malheureuse fut pleurée dans toute la capitale, et le cortège de ses funérailles fut si important que l'on compta plus de personnes hors de l'église qu'à l'intérieur, et il fut impossible d'accueillir tout le monde dans le cimetière. Inconsolable, Benedict faisait pourtant de son mieux pour garder la tête haute et réconforter son fils dont les grands yeux n'auraient jamais dû être remplis de larmes.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant