CENDRILLON
Trois jours plus tard, Cen se rendit au marché pour les courses de la semaine. Comme d'ordinaire, il y retrouva Caspian, venu faire celles de la métairie, et il retint un éclat de rire lorsqu'ils se saluèrent en même temps d'une révérence exagérée.
— Votre Majesté, plaisanta Cen.
— Votre Altesse Sérénissime, répliqua Caspian.
Les yeux pétillants d'amusement, ils se redressèrent pour gagner la place du marché, bras dessus bras dessous. Cela faisait des années qu'ils avaient pris l'habitude de faire leurs courses ensemble, à l'époque où les gens évitaient Caspian autant que possible à cause de son affreux manteau. Désormais, tous les commerçants s'y étaient habitués et de toute manière il ne mettait plus que rarement sa capuche, ses traits ayant suffisamment changés pour qu'il ne risque plus d'être reconnu comme le prince de Rivecœur. Toutefois, Cen et lui continuaient à se retrouver pour le marché, parce que c'était toujours l'occasion de passer du temps ensemble. Et jusqu'à cet hiver, Simon avait été à leurs côtés.
— Tiens, regarde là-bas, fit soudain remarquer Caspian. Ce sont les crieurs publics ?
— Encore ? Qu'est-ce qu'ils peuvent bien avoir à annoncer cette fois ? Que le prince Auguste a trouvé son compagnon de route ? Que le prince Maxime cherche un partenaire de lecture ? Ou que le prince Justinien va se marier avec notre meilleur ami ?
— Probablement rien de tout ça, rit Caspian. Viens, allons écouter ce qu'ils ont à dire !
De toute manière, ils ne pourraient rien acheter du tout tant que l'annonce royale ne serait pas terminée, parce que tout le monde voulait l'entendre et ne faisait attention à rien d'autre. Les deux amis se faufilèrent donc parmi la foule attroupée pour se rapprocher de l'estrade où sonnaient les tambours.
— Oyez ! Oyez ! Bonnes gens ! Oyez ! Son Altesse le prince Auguste a le plaisir de vous informer qu'un nouveau bal masqué sera donné au palais, pour célébrer son anniversaire ! Ce bal masqué aura lieu le vingtième jour de ce mois ! Il aura pour thème la Nuit ! Son Altesse demande expressément à ce que tous les invités du bal précédent soient conviés ! Tous, sans exception ! Oyez ! Oyez ! Bonnes gens !
Agrippé à l'anse de son panier, Cen échangea un regard écarquillé avec Caspian dont le sourire allait d'une oreille à l'autre.
— Je te parie tout ce que tu veux que ce n'est qu'un prétexte, souffla son ami. Auguste veut te revoir et le seul moyen qu'il a trouvé, c'est de réinviter tout le monde au palais.
— Tu fais comme si Maxime n'était pas lui-aussi derrière cette invitation, rétorqua Cen en lui donnant un coup de coude dans les côtes. Moi je suis prêt à parier que mon prince s'est généreusement proposé pour tous nous réinviter, mais qu'à l'origine c'est l'idée du tien.
En réponse, Caspian lui tira la langue comme l'adulte qu'il était, et Cen se mit à rire sous cape alors qu'ils s'éloignaient de la foule murmurante.
— Est-ce que tu penses pouvoir y retourner ? demanda Caspian sitôt qu'ils furent à l'écart.
— Je vais faire de mon mieux. Maintenant que je sais ce que Madame est prête à faire pour m'en empêcher, je vais agir différemment. Tu sais combien j'aimerais revoir Gus et Simon, ce serait un merveilleux cadeau d'anniversaire. Et surtout danser avec le prince Caspian pour attirer tous les regards, parce qu'être dépeint comme un « mystérieux prince magnifique » est beaucoup plus amusant que d'être un souillon.
— Tu m'as l'air bien certain que Son Altesse de Rivecœur t'accordera une danse, se moqua Caspian. N'est-ce pas un peu présomptueux de ta part ?
Parce qu'il était tout aussi mature que lui, Cen répliqua d'un geste grossier et moqueur, les entraînant dans un nouvel éclat de rire. Après ça, ce ne fut guère aisé de faire les courses, puisque tout le monde ne parlait plus que de ce nouveau bal et des raisons qu'avait le prince Auguste pour réinviter les mêmes personnes. Enfin, plus d'une heure plus tard, leurs paniers étaient pleins et ils se tenaient au carrefour où ils se séparaient habituellement.
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La Fée Marraine (tomes 1 & 2)
RomanceIl était une fois, entre les royaumes d'Armancœur, Rivecœur et Houdancœur, la Fée des Lilas que le hasard avait dotée de nombreux filleuls. À vouloir faire le bien, il arrive que des maladresses se produisent, et tous les dons ne sont pas toujours p...