🧵18. Curieux portrait

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CENDRILLON

De son côté, Cen avait eu le plus grand mal à atteindre le buffet, pris d'assaut par les convives. En attendant de pouvoir se faufiler parmi la foule suffisamment près pour observer les boissons disponibles, il admira les danseurs sur la piste et s'amusa de voir Caspian les rejoindre. Loin d'en être vexé ou déçu, il sourit, heureux de voir son ami dans les bras d'un cavalier bien plus expérimenté que lui. Caspian méritait de pouvoir danser tout son saoul, après en avoir été privé si longtemps.

Occupé à le regarder évoluer avec grâce dans les bras de son cavalier vêtu aux couleurs de la nuit, il ne fit plus du tout attention au buffet derrière lui. Sur sa droite, quelqu'un se déplaça soudain et il avança instinctivement d'un pas, manquant heurter quelqu'un. Immédiatement, marqué par des années de servilité et sa mésaventure toute récente avec le café de sa marâtre, il plongea dans une profonde révérence. Les yeux rivés au sol, il lutta contre son instinct et tâcha de ne pas se raidir, de ne pas attendre un coup, et fit de son mieux pour forcer les mots à sortir d'une voix stable, bien que murmurée.

— Pardonnez-moi, je ne vous avais pas vu...

— Moi non plus, confessa l'inconnu dont la voix pétillait de bienveillance. Gageons que nous étions tous les deux trop occupés à admirer la piste de danse pour regarder autour de nous. Je vous en prie, relevez-vous, je n'en mérite pas tant.

En se redressant, Cen découvrit un homme vêtu aux couleurs éclatantes d'un matin d'hiver radieux, dans toutes les nuances du bleu clair, du blanc étincelant et de l'or pâle. Derrière son masque brodé de discrets rayon de soleil, ses yeux d'un bleu doux souriaient, et Cen se sentit immédiatement plus à l'aise. Cet homme semblait être la bonne humeur incarnée, et son large sourire encadré de fossettes donnait l'impression qu'il ne lui arrivait jamais de faire la grimace. Sans même s'en rendre compte, Cen lui rendit ce sourire, repoussant fermement les mauvais souvenirs qui l'avaient assailli juste avant.

— Vous me semblez un peu perdu, remarqua l'inconnu. Est-ce la première fois que vous venez au palais ? Je sais que de nombreuses personnes présentes ici ce soir n'y avaient jamais mis les pieds.

— En quelque sorte, confirma Cen avec embarras. J'y suis venu alors que j'étais très jeune, mais c'était il y a si longtemps que je n'en garde aucun souvenir. Le bal était pour moi une merveilleuse occasion de satisfaire ma curiosité.

— Vous n'êtes donc venu que pour visiter le palais ? Pas même pour danser, ou rencontrer le prince Auguste ?

— Oh, non ! rit Cen. Je suis surtout venu pour accompagner un ami et passer une soirée merveilleuse loin des tracas du quotidien. Apercevoir les princes n'est que la cerise sur le gâteau, et c'est en partie chose faite puisque j'ai eu la chance d'échanger quelques mots avec Son Altesse Justinien. Il me semble également que c'est le prince Maxime que je vois danser avec mon ami, mais je n'en mettrais pas ma main à couper.

— Vous avez l'œil, sourit son vis-à-vis, c'est bien le prince Maxime au bras de votre ami.

— Cela me laisse donc le prince Auguste ! Je me demande à quoi il ressemble... Je veux dire, c'est celui dont on entend le plus parler, et encore plus depuis son retour de voyage. Je suis curieux de savoir s'il est tel qu'on le décrit. Ce serait assez difficile, cela dit.

En riant, il secoua la tête avec dérision et reporta son attention sur Caspian, rivalisant d'adresse avec le prince Maxime sur la piste de danse, Simon et Justinien à leur suite. Et puis son compagnon inattendu lui tendit une flûte de champagne habilement interceptée sur un plateau, avant de lui faire un signe de tête vers une zone plus calme.

— Venez, ici nous serons plus à l'aise pour converser sans être assourdis ou bousculés.

— Merci, sourit Cen en faisant tinter sa flûte contre la sienne.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant