🫏16. Au Bal du Temps

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CASPIAN

Au moment de partir vers le bal, Caspian avait eu l'agréable surprise de trouver devant sa cahute un merveilleux carrosse tout d'or étincelant, qui évoquait irrésistiblement une citrouille. Grâce à ce coup de pouce de sa marraine, il avait été emporté à toute allure vers le palais par six chevaux gris en contournant Bétournet, et il avait pu arriver parmi les premiers invités.

Mettre pied à terre dans la cour d'honneur en compagnie de toutes ces personnes, certaines mieux vêtues que d'autres, certaines plus polies que d'autres, l'avait replongé dans les souvenirs de son adolescence et lui avait un peu donné l'impression de rentrer chez lui. C'était incroyablement réconfortant de pouvoir redevenir le prince Caspian de Rivecœur, au moins le temps d'une soirée, après avoir été Peau d'Âne le souillon pendant dix ans.

Même si sa tenue était éblouissante, le thème général de la soirée lui permit de passer à peu près inaperçu, d'autant qu'il savait exactement comment faire pour ne pas trop attirer l'attention. Son premier objectif était avant tout de retrouver Cen. Ensuite seulement, épaulé de son ami, il verrait s'il pouvait croiser l'un des princes pour essayer d'obtenir des nouvelles de Cédric ou même de leur mère. La seule chose manquante à cette merveilleuse soirée restait Simon, dont l'absence était toujours douloureuse même après trois mois. Ils n'avaient eu aucune nouvelle depuis son départ, et n'avaient pas non plus pu le contacter, ne serait-ce que pour le prévenir de ce qui était arrivé à son frère et à son père. Mais ce n'était pas le moment de s'inquiéter, l'heure était à la musique et à la danse.

En se mêlant à la foule des curieux émerveillés qui se déversait dans l'immense salle de bal, Caspian entreprit de chercher Cen en restant à l'affût des costumes les plus élégants de la soirée. Mais il eut beau faire un premier tour de la salle, puis un second, il n'y avait pas la moindre trace de son ami. Oh, son odieux demi-frère et sa pénible demi-sœur étaient déjà là, Caspian les aurait reconnus n'importe où, et le style délicat de leurs tenues ne laissait aucun doute sur l'artisan de leur réalisation. Mais Cen n'était nulle part en vue, ce qui devenait préoccupant parce que le flot des nouveaux arrivants commençait à se tarir, et il ne voyait pas comment Cen aurait pu venir s'il n'avait pas accompagné Javotte et Anastase.

Et puis une vague de murmures et de chuchotements plus pressés se propagea dans la salle et, comme tout le monde, il se tourna pour voir la personne qui venait d'entrer, s'attendant à découvrir les princes. L'objet de toute cette attention s'avéra aussi remarquable qu'un prince, mais n'était autre que Cen, vêtu d'un splendide costume aux couleurs de l'automne. Il avait définitivement l'air royal et Caspian était prêt à parier que leur marraine lui avait donné un coup de baguette pour embellir sa tenue. Tous les regards étaient rivés sur lui alors que Cen descendait gracieusement l'escalier, mais Caspian le connaissait depuis dix ans et pouvait voir que cette attention l'embarrassait. Alors il cessa de se cacher dans la foule et avança droit vers lui, en s'assurant que les lustres fassent étinceler chaque reflet de sa propre tenue.

— Te voilà enfin ! chuchota-t-il en s'inclinant galamment devant Cen pour embrasser le dos de sa main. Je commençais à m'inquiéter.

— J'ai été... retenu. Je te raconterai.

— Mais à présent tu es là. Me laisserais-tu t'inviter à danser ?

Il savait que Cen ne dansait pas très bien, faute de pratique, mais il avait suffisamment dansé avec lui lors des fêtes du village pour savoir comment le guider. Et son ami lui sourit sous son masque en s'inclinant gracieusement.

— Ce serait un honneur, Votre Altesse. Même si j'étais le premier à t'inviter.

Avec un frisson de joie et un ricanement, Caspian entremêla leurs doigts pour l'attirer vers lui, heureux de voir des étoiles s'allumer dans les yeux gris de Cen. Quelle que soit la raison de son retard, elle était désormais derrière lui et ils pouvaient enfin oublier leurs misères pour profiter de la magie de l'instant. Sans se préoccuper des murmures tout autour d'eux et des gens qui se bousculaient en essayant de mieux les admirer, il entraîna Cen à sa suite vers la grande piste de danse, alors que s'élevaient les premiers accords d'une valse. La famille royale n'était pas encore arrivée, ou alors elle se mêlait aux invités masqués, mais cela n'allait certainement pas empêcher Caspian d'enlacer son meilleur ami pour commencer à danser comme s'ils étaient seuls au monde.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant