La Fée Marraine (tomes 1 & 2)

🤕06. Délégation rivecourtoise

CEDRIC

Au fil des jours, Cédric se sentait de plus en plus chez lui au palais royal d'Houdancœur. En une semaine de temps, Solen avait réussi le tour de force de lui faire oublier une partie de sa peine et d'atténuer l'absence de Caspian. Il n'avait aucune idée d'à quel point son séjour ici s'éterniserait, mais il lui semblait que vivre les prochaines semaines, les prochains mois et peut-être même les prochaines années auprès de Solen serait un sort bien doux. La reine Louise et le roi Constant le traitaient avec beaucoup d'égard, lui donnant chaque fois l'impression qu'il était le bienvenu dans leur famille, plutôt que dans leur palais

Plus encore, Cédric n'en revenait pas du naturel avec lequel Solen s'était glissé dans le rôle tenu jusque-là par son frère. Le prince d'Houdancœur le défendait vaillamment, avec un aplomb admirable, et même s'il avait confié à Cédric avoir répété ses différentes répliques, on n'y voyait que du feu. Cela devenait presque un jeu entre eux, de se défendre mutuellement et surtout très théâtralement, et cela réchauffait le cœur de Cédric d'une façon qu'il n'aurait pas su décrire.

Dans tous les cas, c'est avec le sourire qu'il se levait le matin depuis plusieurs jours, impatient de retrouver son nouvel ami pour la journée, heureux d'être mêlé à la vie du palais pour ne pas avoir l'occasion de ruminer au sujet de sa propre famille. Il était justement en train de nouer sa cravate avec un nœud simple, pressé de pouvoir quitter sa chambre et rejoindre Solen pour l'accompagner aux audiences publiques, lorsque l'on frappa à sa porte. Surpris et curieux, il invita à entrer et se trouva face à l'une des messagères du palais.

— Votre Altesse, dit-elle en s'inclinant. Sa Majesté la reine m'envoie vous inviter à la rejoindre dans le cabinet royal. Une délégation vient d'arriver de Rivecœur et votre présence est requise au plus tôt.

Un mauvais frisson dégringola dans le dos de Cédric, vite suivi par un soupçon d'espoir. Incapable de trancher entre la peur ou l'inverse, il acheva de nouer sa cravate et suivit la messagère au pas de course jusqu'au cabinet royal, au mépris de la douleur dans sa jambe. Les souverains étaient déjà présents, bien sûr, ainsi que Solen, et Cédric puisa du courage dans le sourire que son ami lui adressa.

— Ah, Votre Altesse, nous n'attendions plus que vous ! s'exclama chaleureusement le roi. Cette délégation est venue tout droit de Rivecœur pour vous rencontrer.

Derrière son ton cordial, Cédric devinait une légère pointe d'avertissement, indiquant que le souverain se méfiait des intentions de leurs visiteurs. Et lorsqu'il se tourna vers cette délégation, il comprit pourquoi rien qu'en reconnaissant la femme qui la menait.

— Capitaine de Maisonneuve, je ne m'attendais pas à vous voir si loin du palais royal. À quoi dois-je l'honneur de votre visite ?

Même si toutes les personnes composant la délégation étaient des membres de la noblesse rivecourtoise, elles étaient avant tout affiliées à l'ordre royal de chevalerie. Des militaires, en nombre suffisant pour constituer une véritable escorte, derrière leur capitaine qui ne répondait qu'à la reine.

— Nous apportons une mauvaise nouvelle, hélas, répondit-elle de cette voix inflexible que Cédric lui avait toujours connue. Votre frère, le prince Caspian, a disparu. Il a demandé en présent nuptial à Sa Majesté la reine un habit fait dans la peau de l'âne aux pièces d'or, et ce manteau lui a été livré dans la soirée. Le prince n'a pas été revu depuis, ses appartements sont déserts et ont été vidés de ses effets personnels.

Il fut très difficile à Cédric de maintenir une façade froide et détachée, surtout face à cette femme qui le connaissait depuis toujours et qui n'avait aucun mal à le regarder droit dans les yeux. Apprendre que son frère avait disparu était un coup rude, mais il avait besoin d'en savoir davantage pour déterminer s'il s'agissait réellement d'une mauvaise nouvelle, ou plutôt d'une bonne.