La Fée Marraine (tomes 1 & 2)

🤕45. Retrouvailles

CÉDRIC

Lorsqu'ils mirent pied à terre dans la cour du palais d'Armancœur, ce fut pour le découvrir plongé dans une fébrilité inattendue, au point que leur arrivée soit à peine remarquée. Cela eut le mérite de distraire un peu Cédric de son appréhension, alors qu'une poignée de palefreniers accourait à leur rencontre pour s'occuper de leurs montures épuisées.

— Par le Ciel, que se passe-t-il ici ? grommela Savinien.

— C'est le fiancé de Son Altesse le prince Justinien, répondit une écuyère. Il a été libéré ce matin après avoir été enlevé contre une forte rançon, à ce que l'on dit.

Voilà qui promettait de chambouler beaucoup de choses, mais heureusement Auguste se présenta sur ces entrefaites et Cédric se détendit immédiatement face à son sourire chaleureux.

— Vous voilà déjà ! Vous n'avez pas traîné en route, mais je m'en doutais un peu. Venez, vos chambres ont été préparées. C'est un peu la folie depuis quelques jours, avec la disparition de Simon que nous venons seulement de retrouver, alors j'espère que vous excuserez le désordre.

— Que s'est-il passé ? demanda à nouveau Savinien.

Et cela tombait bien qu'il soit prêt à poser des questions, parce que Cédric ne se sentait pas capable de parler, comme si l'imminence de ses retrouvailles avec Caspian lui avait ôté la parole. Heureusement, Auguste n'avait jamais été avare d'informations.

— Une sombre histoire d'enlèvement, de don féerique et d'avidité. Nous vous raconterons tout cela tantôt, j'imagine que tu es terriblement impatient de retrouver ton frère, Cédric, mais il est pour le moment au chevet de Simon avec Justinien et Cen...wyn.

Le prénom semblait un peu bancal, comme si Auguste avait failli s'arrêter après la première syllabe et n'avait rajouté la seconde qu'après réflexion. Cédric supposait que l'homme en question était le Cen que son frère avait évoqué dans ses rares lettres ces dernières années, tout comme Simon d'ailleurs, et il s'inquiéta de ce que ce dernier avait pu subir pour que tout le monde soit à son chevet.

— Les impériaux sont également déjà là, continua Auguste. C'est d'ailleurs grâce à eux que nous avons pu retrouver Simon. J'ai envoyé quelqu'un les prévenir de votre arrivée, nous allons nous installer dans le salon floral pour prendre un thé en attendant que tout le monde nous rejoigne.

Apprendre que Jens et Erling les avaient précédés, comme toujours accompagnés de Neige et ses compagnons, allégea une partie du poids que Cédric ressentait autour de son cœur. C'était toujours un plaisir de retrouver leurs amis, et cela le rassurait terriblement de ne pas avoir à faire face à son appréhension tout seul.

Quelque part, il se sentait idiot d'avoir si peur de retrouver Caspian, mais d'un autre côté il ne savait pas comment il devait agir, parce que cela faisait dix ans et qu'il avait conscience d'avoir terriblement changé. Il ne savait même pas si Caspian le reconnaîtrait, et cela lui nouait la gorge de songer qu'ils se ressemblaient peut-être encore moins qu'avant. Aveuglément, il chercha la main de Solen pour s'y accrocher de toutes ses forces, et se sentit fondre un peu lorsque son fiancé entremêla leurs doigts en le serrant fort en retour, promettant sans un mot d'être à ses côtés.

***

Lorsqu'ils se furent rafraîchis de la fatigue du voyage, Auguste les installa dans un petit salon ravissant, où l'on servit un thé généreusement accompagné de biscuits, petits gâteaux et friandises. Ils furent bientôt rejoints par leurs amis du Klaeder et Cédric laissa le bruit ambiant des conversations noyer le bourdonnement sourd de son angoisse. Du moins, jusqu'à ce que la porte s'ouvre et que le silence se fasse presque brutalement.