CASPIAN
Rassuré sur le sort de ses amis et euphorique de pouvoir bientôt obtenir des nouvelles de son frère, Caspian vida son verre avant de tendre la main à Maxime pour l'inviter à danser. Après en avoir été privé pendant dix ans, il lui semblait qu'il n'aurait jamais assez de musique et de danse, et il était incroyablement heureux de voir que son prince partageait son enthousiasme.
Ils attendirent d'abord que s'achève la valse lente en cours, puis furent les premiers sur la piste lorsque le morceau suivant commença, montrant l'exemple. En un rien de temps, ils furent entourés de danseurs et purent s'abandonner à la leur. Malicieux et décidé à profiter de l'instant, Caspian se montra plus exigeant qu'au bal précédent, accélérant juste assez la cadence pour que Maxime suive l'effort avec un sourire de défi. Ils rivalisèrent d'adresse au long de deux polka et d'une autre valse, riant de bonheur et oubliant complètement la foule tout autour d'eux. Emporté par la magie du moment, Caspian croisa le regard de son cavalier alors que le rythme accélérait, posant les mains sur sa taille.
— Prêt ? murmura-t-il, une lueur de défi dans les yeux.
Maxime acquiesça aussitôt et Caspian le fit tournoyer d'une pirouette gracieuse avant de le soulever à bout de bras, mettant à profit ses muscles forgés par dix ans de travail. Une inspiration de surprise collective secoua la foule, alors qu'ils se mettaient à rire, aussi émerveillés l'un que l'autre. Caspian était certain de faire les gros titres des journaux le lendemain, mais il s'en fichait complètement, trop heureux de pouvoir agir comme il le souhaitait l'espace de quelques heures.
Après ça, souriants et essoufflés, ils quittèrent à nouveau la piste et Caspian se dévoua galamment pour aller leur trouver à boire. Cette fois, il fut chanceux puisqu'il parvint à intercepter un serveur avec un plateau couvert de coupes pleines, et il en prit deux au vol avant de faire demi-tour pour rejoindre son prince. Il le trouva à peu près là où il l'avait laissé, et grimaça en le découvrant pris au piège d'une conversation avec deux jeunes femmes parmi lesquelles il reconnut Javotte. Maxime se montrait bien sûr poli et charmant, mais son sourire était crispé et ses yeux ne brillaient plus du tout. Puis il croisa son regard et une expression de pur soulagement passa sur ses traits.
— Ah, Votre Altesse ! Je vous remercie pour ce verre, je suis assoiffé.
Avec un léger signe de tête, Caspian lui tendit l'une des coupes alors que les deux femmes le dévisageaient de la tête aux pieds en murmurant entre elles avec excitation.
— Mesdemoiselles, s'inclina-t-il poliment.
Il n'avait pas la moindre envie de se montrer courtois envers Javotte, mais il ne pouvait pas non plus se permettre d'être grossier, même s'il rêvait de la renvoyer sur les roses. Et puisqu'il était évident qu'elles attendaient toutes les deux d'être invitées à danser, il se sacrifia pour épargner à Maxime d'avoir à supporter l'incessant babillage de cette ridicule précieuse.
Une fois sur la piste, il dut faire appel à toute sa patience et ses bonnes manières pour ne pas l'interrompre et continuer à sourire alors qu'elle pérorait sur tout et rien, critiquant ci, commentant ça... Elle s'émerveilla du palais et du nombre de convives, se plaignit du choix du champagne, complimenta son habit et se vanta de sa robe. Y voyant une occasion parfaite d'orienter la conversation, Caspian s'empressa de lui dire combien il admirait la réalisation délicate de sa tenue. Cela eut au moins le mérite de lancer Javotte dans un impressionnant discours plein d'enthousiasme au sujet de sa robe et surtout de Cendrillon dont elle reconnaissait le talent inégalé maintenant qu'il n'était pas là pour l'entendre.
Tout en serrant les dents pour garder son calme parce qu'il se souvenait très bien de la manière dont Javotte l'avait traité chaque fois qu'il l'avait croisée à la métairie, et parce qu'il savait comment elle se comportait avec Cen au quotidien, il essaya de mémoriser ses compliments pour les transmettre à son ami. Toutefois, lorsque la danse s'acheva enfin, il s'inclina juste assez bas pour être poli puis il s'enfuit sitôt qu'il l'eut escortée au bord de la piste, espérant pouvoir se fondre dans la foule. Peine perdue, avec une tenue aussi éblouissante que la sienne, mais une main sur son bras l'attira vivement dans un recoin plus discret et il se retrouva face à Maxime. Le prince d'Armancœur semblait aussi désireux que lui de s'épargner toute cette attention, et son sourire ranima celui de Caspian.
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La Fée Marraine (tomes 1 & 2)
RomansaIl était une fois, entre les royaumes d'Armancœur, Rivecœur et Houdancœur, la Fée des Lilas que le hasard avait dotée de nombreux filleuls. À vouloir faire le bien, il arrive que des maladresses se produisent, et tous les dons ne sont pas toujours p...