SOLEN
Solen se réveilla doucement, surpris de se sentir si bien et apaisé. La lumière diffuse du nymphée était pratiquement toujours la même, et de toute façon il aurait été incapable d'en déduire l'heure. L'air s'était cependant rafraîchi, pourtant il n'avait pas froid, blotti sous un manteau pesant un peu lourd sur ses épaules. Le vêtement ne lui était pas familier, tout comme le bras passé autour de sa taille et l'épaule contre laquelle il était appuyé. Perdu, il se redressa en se frottant les yeux, alors que les souvenirs lui revenaient.
— Comment vous sentez-vous ? demanda la voix grave à l'accent chaleureux du prince de Rivecœur.
Les joues brûlantes de se découvrir affalé tout contre lui, Solen se tourna vers lui sans vraiment s'écarter pour autant, appréciant bien trop la chaleur de cette proximité pour s'en éloigner si vite.
— Je suis désolé, bredouilla-t-il pour la centième fois. Je ne pensais pas... je suis mortifié de m'être endormi, et en plus de cela de m'être imposé à vous de la sorte. Je ne me pensais pas si impoli et... et ce que vous disiez était certainement passionnant mais... je... enfin... vous devez me croire affreusement grossier en plus d'être un épouvantable sot.
— Ne vous tracassez pas tant, répondit le prince Cédric avec un sourire dans la voix. Je ne vous en veux pas. C'était agréable d'avoir un contact ami, rares sont les personnes à oser m'approcher d'aussi près. En plus de cela, je suis heureux d'avoir pu vous aider à étancher vos larmes. Vous m'avez offert de partager votre refuge, c'est pour moi une réelle fierté que d'avoir pu vous le rendre au moins un peu.
C'était si proche de ce que Solen ressentait qu'il fut terriblement réconforté de ne plus se sentir tout seul. À l'exception de sa famille, il n'avait plus été proche de quiconque depuis des années, et il avait l'impression que le prince Cédric le comprenait mieux que personne, parce que leurs situations étaient bizarrement semblables et inversées.
— J'aimerais que nous soyons amis, déclara-t-il de but en blanc. Vous semblez en avoir besoin d'un, et moi j'en manque cruellement. Tout le temps que durera votre séjour au palais, et même au-delà si cela vous agrée, je serais heureux d'être votre ami, et que vous soyez le mien.
Le silence qu'il reçut en réponse l'alerta, lui faisant craindre qu'une fois de plus il soit allé trop vite en besogne et se soit montré présomptueux en étant aussi familier avec un presque inconnu. Et puis la main gantée du prince Cédric se referma sur la sienne, pressant ses doigts avec la force d'un homme se raccrochant à une ligne de vie.
— Ce serait un honneur, déclara le prince de Rivecœur d'une voix curieusement rauque. Vous avez deviné juste, j'ai terriblement besoin d'un ami en ces jours sombres, et bénéficier de votre amitié ferait de moi un homme incroyablement heureux et chanceux.
Solen aurait aimé savoir quels étaient les jours sombres traversés par son compagnon, mais il avait appris à ne pas se montrer curieux ou trop impoli, alors il se contenta de serrer en retour les doigts mêlés aux siens, un peu émerveillé par ce contact.
— Toutefois, reprit le prince Cédric avec à nouveau ce même sourire dans la voix, nous devrions certainement revenir au palais. Je dois rencontrer vos parents demain, afin de me présenter et de mener à bien l'ambassade pour laquelle je suis venu en Houdancœur.
— Comment va votre jambe ? s'inquiéta Solen. Est-elle assez reposée pour que vous puissiez marcher sans mal jusqu'au palais ? Sinon, nous pouvons encore attendre, ou bien je peux courir chercher de l'aide et revenir avec une voiture pour vous transporter.
Secrètement, il avait l'espoir de rester un peu plus longtemps dans le nymphée, avec ce prince auprès de qui il ne sentait plus si idiot, plutôt que s'en retourner au palais pour y affronter le reste de ses difficulté quotidiennes.
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La Fée Marraine (tomes 1 & 2)
RomanceIl était une fois, entre les royaumes d'Armancœur, Rivecœur et Houdancœur, la Fée des Lilas que le hasard avait dotée de nombreux filleuls. À vouloir faire le bien, il arrive que des maladresses se produisent, et tous les dons ne sont pas toujours p...