MAXIME
Encore sous le charme de cette étrange rencontre et définitivement curieux, Maxime décida de s'arrêter à la métairie la plus proche pour s'informer sur les beaux jeunes gens qu'il venait de voir. Comme il était l'un des princes, il n'eut pas à demander pour que le métayer en personne le reçoive. Et au premier regard, Maxime comprit qu'il s'agissait d'un hypocrite obséquieux dont les manières l'agacèrent très vite. Il n'y avait bien que Justinien pour supporter ce genre de personne.
— Que me vaut l'immense honneur de votre présence dans mon humble demeure, Votre Altesse ? demanda le métayer en s'inclinant très bas.
— Un simple renseignement, répondit sobrement Maxime. Je suis passé tantôt devant une vieille cahute tout au bout de l'allée forestière. Pouvez-vous m'indiquer le nom de ses habitants ? Jamais encore je n'avais vu d'hommes plus charmants.
À ces mots, le métayer se redressa brusquement en changeant un peu de couleur.
— Vous vous moquez, Altesse ! protesta-t-il. Cette misérable cabane est le logis de notre plus grossier souillon. Ce garçon est sans cesse vêtu d'une effroyable peau d'âne et son seul but est de nettoyer les torchons ainsi que l'auge des porcs. Si vous l'avez vu accompagné, c'est sûrement qu'il paressait encore avec l'autre fainéant de Cul-Cendron, le souillon du manoir de Frêne-Aux-Lys. Ils sont tout le temps fourrés ensemble ces deux-là, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre, tout barbouillés de crasse et de cendre. Autrefois il y avait aussi Cure-Chaudron, de la famille Brûlart d'Androué — paix à leurs âmes — mais il s'est enfui cet hiver après les avoir dépouillés d'une véritable fortune, quelques semaines avant leur mort tragique. Vraiment, mon prince, c'est une plaisanterie que d'appeler charmants d'aussi répugnants individus.
Refroidi par ce discours hargneux et méprisant, Maxime ne prit pas la peine d'argumenter. Il avait le sentiment que, si les beaux jeunes hommes dans la cabane étaient réellement les souillons dont parlait le métayer, ils ne voudraient sûrement pas que ce dernier sache qu'ils avaient tous les deux l'allure de princes. Et cette histoire de fuite hivernale d'un troisième souillon le perturbait. Troublé et pas vraiment plus avancé, Maxime adressa un bref signe de tête au métayer avant de remonter en selle.
— Parfait, c'est ce que je voulais savoir, dit-il froidement.
Parce que parfois, il n'y avait rien qu'il n'aimait davantage que de jouer les princes hautains et dédaigneux envers les gens comme ça. Sans rien ajouter, il fit tourner son cheval et quitta la cour de la métairie au trot pour s'en aller enfin vers la grande route pour aller à la rencontre de son frère.
Il le rejoignit à peine un quart d'heure plus tard, et n'eut aucun mal à le reconnaître parce qu'Auguste voyageait toujours tout seul, le nez en l'air pour admirer le paysage, même si près de la maison. Amusé de le voir trotter paisiblement, Maxime porta ses doigts à ses lèvres pour siffler, et ressentit une satisfaction de petit frère en voyant Auguste sursauter. Leurs regards se croisèrent et le sourire de son aîné exprima une surprise ravie, juste avant qu'il ne lance son cheval au galop pour franchir les derniers mètres. Quand ils se retrouvèrent, Maxime n'eut que le temps de mettre pied à terre pour recevoir son frère dans ses bras, Auguste ayant pratiquement bondi de sa selle.
— C'est bon de te revoir, murmura Maxime en le serrant fort contre lui.
— C'est bon d'être de retour, répondit Auguste en lui rendant son étreinte. Vous commenciez à me manquer.
Un peu à regret, Maxime finit par le relâcher et recula d'un pas pour pouvoir le regarder. En trois mois de voyage, il avait perdu un peu de poids, ses cheveux étaient plus longs, et il n'avait visiblement pas pris la peine de se raser depuis quelques jours, s'il en croyait le début de barbe blond-doré ombrageant sa mâchoire.
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La Fée Marraine (tomes 1 & 2)
RomanceIl était une fois, entre les royaumes d'Armancœur, Rivecœur et Houdancœur, la Fée des Lilas que le hasard avait dotée de nombreux filleuls. À vouloir faire le bien, il arrive que des maladresses se produisent, et tous les dons ne sont pas toujours p...