CASPIAN
Même s'il avait pris l'habitude de se réveiller au point du jour, Caspian n'ouvrit pas les yeux avant le milieu de l'après-midi, bien content de ne pas avoir à travailler aujourd'hui. Encore embrumé de sommeil, il eut une pensée compatissante pour Cen, dont les corvées n'avaient probablement pas diminué, peu important qu'il soit rentré à l'aurore. Pour sa part, il avait encore largement le temps de faire chauffer de l'eau pour pouvoir se laver, et même de préparer une galette à partager avec son ami lorsqu'il le rejoindrait au lavoir.
En fin d'après-midi, il se sentait un peu plus réveillé et surtout, il ne tenait plus en place d'impatience de retrouver Cen pour parler du bal. Rapidement, il enveloppa sa galette encore chaude dans un torchon propre puis dans un second, et la déposa dans le fond de sa panière avant d'empiler du linge sale par-dessus. Puis il quitta sa cabane pour passer à la métairie chercher la lessive du jour. Comme la fille du métayer s'était rendue au bal et qu'on était dimanche, tout était calme et il put traverser la cour sans se faire interpeller ni ralentir.
Cen était déjà au lavoir lorsqu'il arriva, et son grand sourire en disait autant que les cernes sous ses yeux. Dire qu'il aurait pu se réveiller dans le lit du prince Auguste, au lieu de devoir rentrer à l'aube pour travailler... Enfin, Caspian n'allait pas s'appesantir sur ce qui aurait pu arriver, le principal était qu'ils avaient pu passer une merveilleuse soirée.
— Pas trop fatigué ? s'enquit-il avec un clin d'œil.
— Curieusement, ça va. Comme Javotte et Anastase ont dormi jusqu'à midi, Madame m'a laissé tranquille pour la matinée. Et je n'avais que la lessive à faire cet après-midi.
Agenouillés côte à côte, ils commencèrent à tremper leur linge dans l'eau bleue, sans tourner autour du pot plus longtemps. À cette heure-ci, ils savaient que personne ne viendrait les déranger et ils pouvaient parler du bal sans craindre d'oreilles indiscrètes.
— Que s'est-il passé hier soir pour te mettre en retard ? demanda Caspian.
Il jeta un regard en biais à Cen, à temps pour le voir grimacer, les yeux rivés sur la chemise qu'il essorait. Caspian était prêt à parier qu'il n'allait pas aimer la suite, et il ne fut pas déçu. En apprenant ce que la marâtre de Cen avait fait, il fut obligé de retenir le méchant juron qu'il avait au bout de la langue et il ne conserva son calme qu'en tordant son torchon comme s'il s'était agi du cou de cette odieuse femme.
— Mais notre marraine est intervenue pour m'aider, acheva Cen. Grâce à elle, je ne suis pas arrivé en retard et j'ai pu profiter de quelques heures du bal, ce qui est bien plus que je ne l'espérais !
— Tu méritais de profiter du bal tout entier, renifla Caspian.
Des jours comme celui-ci, il rêvait de redevenir un prince afin d'avoir suffisamment de pouvoir pour rendre à ces gens la monnaie de leur pièce. Mais il ne pouvait que prendre exemple sur Cen et faire face à ces mauvais traitement avec courage et bienveillance.
— J'en ai déjà bien profité ! rit Cen. J'imagine que toi tu savais très bien que mon cavalier était le prince Auguste ?
Caspian avait passé une bonne partie de sa journée à chercher le meilleur moyen de le lui annoncer, et il fut un peu déçu de voir que Cen le savait déjà.
— Comment l'as-tu appris ?
— À ton avis ? Anastase et Javotte.
Cela se passait de commentaire. Caspian savait combien le demi-frère et la demi-sœur de son ami étaient indiscrets et pénibles. Ils avaient dû jacasser sur tout le chemin du retour et même une fois à la maison, rabâchant les oreilles de Cen sans deviner qu'il avait été présent au bal.
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La Fée Marraine (tomes 1 & 2)
RomanceIl était une fois, entre les royaumes d'Armancœur, Rivecœur et Houdancœur, la Fée des Lilas que le hasard avait dotée de nombreux filleuls. À vouloir faire le bien, il arrive que des maladresses se produisent, et tous les dons ne sont pas toujours p...