SIMON
Le lendemain, Simon se réveilla fort tard mais parfaitement reposé. D'après la lumière du soleil entrant à flots dans la cabane, il était près de midi et Caspian devait être levé depuis des heures. Assommé de fatigue, Simon ne l'avait pas entendu se lever, pas plus qu'il ne l'avait senti ajuster les couvertures pour qu'il n'ait pas froid. Touché par la sollicitude de son ami, il bâilla en appréciant de ne plus avoir si mal à la mâchoire, et se décida enfin à se lever parce qu'il avait bien assez profité de cette exceptionnelle grasse matinée.
Caspian avait ranimé le feu avant de partir, de sorte que la cabane était agréablement tiède, et Simon n'eut qu'à remettre une bûche sur les braises pour que les flammes repartent. Sur la table, il trouva une miche de pain datant de la veille, du lait crémeux et surtout une galette rivecourtoise comme son ami les faisait si bien, avec un pot de confiture de fraise au bon goût d'été. Pour un prince, Caspian s'était révélé être un cuisinier talentueux une fois qu'il avait compris comment faire, et Simon lui devait d'avoir pu manger à sa faim plusieurs fois au cours des dix dernières années, lorsque son père lui laissait à peine de quoi tenir la journée.
Savourant lentement un morceau de galette recouvert de confiture, il essaya de réfléchir à ce qu'il allait bien pouvoir faire à présent qu'il n'avait plus de maison. Pelotonné dans le fauteuil devant la cheminée, sous la couverture de Caspian, il laissa son regard errer dans la cabane et s'arrêter sur un éclat brillant au sol. Les joyaux crachés la veille étaient encore éparpillés par terre, preuve que Caspian s'en fichait complètement. Avec un petit sourire amusé, Simon se leva pour commencer à tout rassembler, jusqu'à tenir une petite fortune au creux de sa main. Ne sachant pas trop quoi en faire, il avisa un grossier pot de terre cuite, posé au-dessus de la cheminée, et il vida sa poignée dedans après s'être assuré qu'il était vide et propre. Il aviserait avec Caspian à son retour pour décider ce qu'il en ferait.
Dans l'après-midi, à l'heure où ils se retrouvaient habituellement au lavoir, Caspian revint enfin de sa journée à garder les cochons et laver les torchons. Toutefois, il n'était pas seul : Cen le suivait, l'air agité et inquiet. Sitôt à l'intérieur, tandis que Caspian retirait sa peau d'âne pour la suspendre près de la porte, il se précipita vers Simon pour le serrer dans ses bras.
— J'ai entendu dire que tu avais disparu, raconta-t-il. Apparemment, ton père te fait chercher partout. Je n'ai pas eu un instant de répit pour venir trouver Ann avant l'heure de la lessive, et les seules nouvelles que j'avais provenaient des ragots partagés à la table du petit-déjeuner. Comme toujours, Anastase et Javotte ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur ce qu'ils avaient entendu, ils prétendaient que tu t'étais enfui après avoir volé une fortune considérable, et c'était à rien n'y comprendre. Ann m'a dit que tu avais rencontré une fée ?
— Regarde...
Une pierre verte toute ronde glissa de ses lèvres, pour tomber dans sa paume ouverte. Même s'il se doutait que Caspian avait dû prévenir Cen, il s'était attendu à ce que son ami manifeste au moins un peu de surprise. Pourtant, Cen haussa seulement un sourcil en prenant la pierre pour l'observer avant de la lui rendre.
— Très inconfortable, en effet, commenta-t-il. Je suppose que cette histoire de fortune fait sens... Je ne sais pas trop quoi te conseiller, généralement les fées savent ce qu'elles font quand elles attribuent des dons, mais elles ne réfléchissent pas comme nous alors...
— Je vais partir, déclara Simon.
Parce qu'il n'avait pas vraiment d'autre choix que celui-ci, s'il ne voulait pas passer sa vie à cracher des joyaux pour enrichir son père ou tout autre rapace vénal et cupide qui l'exploiterait. Avec des phrases aussi courtes que possible, il essaya d'expliquer sa décision pour ne pas faire de peine à ses amis.
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La Fée Marraine (tomes 1 & 2)
RomanceIl était une fois, entre les royaumes d'Armancœur, Rivecœur et Houdancœur, la Fée des Lilas que le hasard avait dotée de nombreux filleuls. À vouloir faire le bien, il arrive que des maladresses se produisent, et tous les dons ne sont pas toujours p...