🧵14. Le jour du bal

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CENDRILLON

Le mois passa à une vitesse folle, surtout avec toutes les choses que Cen avait à faire. Par précaution, il avait commencé par la robe de Javotte, parce qu'il savait que broder toutes les perles de rosée allait lui prendre un temps fou, et il ne le regrettait pas. À côté de ça, la tenue d'Anastase ne lui avait demandé que trois jours de travail, et majoritairement de la couture avec quelques points de broderie seulement. Il avait dû sacrifier quelques heures de ses nuits déjà bien courtes pour avoir le temps de faire les modifications qu'il voulait sur ses propres habits, et il avait mis un point d'honneur à confectionner en plus un masque pour Caspian, assorti à sa tenue.

Le matin du grand jour, il se leva avec les mains tout engourdies d'avoir cousu et piqué sans relâche, mais il n'avait pas le loisir de s'en occuper. À la place, il avait toutes ses tâches de la matinée à accomplir, il devait livrer le masque à Caspian, et ensuite aider Javotte et Anastase à s'habiller. Au moins, il se consolait en se disant qu'avec ses gants, personne ne verrait l'état déplorable de ses mains.

Connaissant son demi-frère et sa demi-sœur, il préféra commencer par habiller Anastase, de sorte qu'il puisse ensuite sortir s'occuper au lieu de rester dans ses pattes à faire des commentaires. De toute façon, Anastase était tout à fait capable de se vêtir lui-même, mais Cen savait qu'il prenait un réel plaisir à le laisser faire, parce qu'il aimait lui rappeler qu'il était à son service. Et, quoi qu'il arrive, Cen n'avait pas obtenu la réputation de meilleur valet du royaume en faisant un travail de sagouin.

En plus de ça, il était vraiment satisfait du rendu de la tenue, avec la couleur ensoleillée de la veste qui tirait doucement vers une teinte plus vespérale au niveau des manches, rappelant que c'était bien l'après-midi. Il avait utilisé des nuances subtiles de vert et d'or, variant suivant la lumière, avec quelques discrètes touches de bleu et de blanc sur les épaulettes, donnant à l'ensemble l'impression générale des quelques heures d'été juste avant que le soleil ne commence à se coucher. Anastase ne fit cette fois aucune remarque déplaisante, prouvant qu'il appréciait réellement le rendu, et c'était aussi bien qu'un compliment. Cen en était très fier.

Ensuite seulement, il put passer à la robe de Javotte, bien plus imposante. Bien sûr, il fallut faire des retouches sur le corsage, parce qu'elle avait pris un peu de poids depuis le jour où Cen avait noté ses mesures. Rien de bien grave, mais cela nécessitait de desserrer une couture ou deux afin de lui permettre de respirer, et surtout éviter qu'elle ressemble à un poisson échoué.

— C'est à cause de tes galimafrées, commenta Anastase en ajustant sa mouche.

— Qu'est-ce que ça veut encore dire ? s'agaça sa sœur. Tu es pénible avec tes mots qui ne veulent rien dire.

— Ça veut dire que tu as mangé comme un goinfre à chaque repas, et que maintenant Cendrillon doit refaire ton laçage.

En vérité, à force de les habiller chaque jour, Cen les connaissait suffisamment bien pour avoir anticipé ces aléas. Il savait que sa demi-sœur avait tendance à manger davantage lorsque quelque chose la tracassait, et puisque c'était également lui qui cuisinait et servait les repas, il avait bien vu ce qu'elle mettait dans son assiette, et avait agi en conséquence. Sourd aux chicaneries du frère et de la sœur, il s'appliqua à bien disposer les jupons sur la crinoline et à ajuster toutes les petites perles qu'il avait si soigneusement brodées.

— Tu aimerais aller au bal, Cendrillon ? demanda soudain Javotte lorsqu'il se redressa.

— L'invitation est ouverte à tous les jeunes gens de l'âge du prince Auguste, répondit-il doucement.

— Que tu es sot ! intervint Anastase avec un mépris moqueur. Que dirait Son Altesse en te voyant parmi ses invités ? Tu n'es qu'un souillon, tu n'as pas ta place parmi les belles gens.

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant