🫅59. La disparition

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JUSTINIEN

En dépit de leur impatience et de toute la science d'Auguste, il fut impossible d'accélérer le voyage au-delà de ses premières prévisions, à moins de risquer quelques blessures. À force de rester en selle toute la journée, Justinien commençait à avoir le dos en compote, et il voyait bien que Cen souffrait, même s'il ravalait évidemment son inconfort, habitué qu'il était à dissimuler sa peine ou sa douleur. C'était à vous briser le cœur, de comprendre qu'il cachait combien il allait mal afin de n'incommoder personne, et Auguste semblait ne pas savoir comment s'y prendre pour lui dire qu'il n'avait pas besoin de leur dissimuler quoi que ce soit. Pas à eux. Alors Justinien prit les devants et demanda lui-même à ralentir l'allure.

— Simon ne nous pardonnera jamais de nous être mis en danger et blessés dans le seul but d'arriver quelques heures plus tôt auprès de lui. Dans ma hâte, j'oubliais que Cen est encore convalescent, la dernière chose dont vous avez besoin est de ne plus tenir debout ou assis pendant une semaine.

Justinien le vit ouvrir la bouche, visiblement prêt à protester, et fut reconnaissant à Auguste de l'interrompre en posant doucement une main sur son épaule.

— Just a raison, mon cœur. Si je veux pouvoir vous emmener voyager tout autour du monde, cela ne sert à rien de vous dégoûter de l'équitation dès la première fois. Simon supporte son don depuis janvier, il tiendra bien une journée de plus par amour pour vous. De toute façon, Caspian et Cédric parlent assez pour dix, je doute qu'il ait l'occasion d'en placer une.

Cela eut le mérite de détendre l'atmosphère, et c'est à une allure plus modérée et confortable qu'ils continuèrent leur chemin. Et finalement, même ainsi, ils ne prirent pas tant de retard que cela et ils franchirent le portail du château au dernier coup de midi, ce dont Cen apprécia l'ironie.

Ils mettaient tout juste pied à terre lorsque la grande porte s'ouvrit, livrant passage à Maxime, Solen et les jumeaux, affolés comme un vol de chauve-souris.

— Le Ciel soit loué, vous voilà enfin ! s'écria Caspian. Nous étions en plein débat pour trouver le moyen de vous contacter au plus vite !

— Que se passe-t-il ? s'affola Justinien. Qu'est-il arrivé ? Où est Simon ?

— Justement ! gémit Maxime. Personne ne le sait !

C'était la première fois que Justinien voyait son frère aussi angoissé, et il se sentit lui-même au bord de la panique, les mains tremblantes alors qu'il mettait pied à terre de son mieux. Il ne parvenait pas à trouver quelque chose à dire, et fut terriblement reconnaissant à Auguste de prendre les devants, comme souvent.

— Dans mon cabinet, tous. Max, vois à faire apporter des rafraîchissements, nous avons chevauché d'une traite jusqu'ici. La soif, la faim et l'affolement ne vont pas nous aider à réfléchir.

Ses ordres calmes et précis eurent le mérite d'apaiser une partie de la tension et de donner à chacun une tâche sur laquelle se concentrer. Grâce à cela, ils avaient tous la tête à peu près froide lorsqu'ils se rassemblèrent dans son bureau. Caspian semblait au bord des larmes et tremblait, entouré par son frère autant que par Maxime, alors que Cen affichait à nouveau ce teint cendreux qu'ils avaient tous espéré voir disparaître. Quant à lui, Justinien se sentait prêt à hurler sous la tension nerveuse.

— Bien, expliquez-vous, ordonna Auguste. Que s'est-il passé, exactement ?

— Simon a disparu, répondit Solen avec un calme qu'il semblait le seul à posséder. Et quand je dis qu'il a disparu... c'est comme s'il s'était volatilisé. Nous sommes incapables de vous dire ce qu'il s'est passé, mais j'ai bien peur que cela n'ait été qu'un très mauvais concours de circonstances...

La Fée Marraine (tomes 1 & 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant