Pdv Elvire
Je forçais un sourire en croisant un collègue et lui faisait un petit signe de la main, mais mon esprit était bien ailleurs. Le portefeuille de Claudia Keller, la mère d'Olivia, était encore posé sur le tableau de bord. Chaque fois que je jetais un coup d'œil en sa direction, une nouvelle vague d'angoisse me traversait.
Je savais qu'Olivia avait mentionné que sa mère vivait dans cette ville, qu'elle était souvent dans un état... compliqué. Mais la voir de mes propres yeux, si proche, si perdue, me confrontait à une réalité bien plus brutale que ce que j'avais imaginé. Je me sentais prise dans un étau. J'aurais dû alerter Olivia, lui dire la vérité, mais je ne voulais pas être celle qui apportait encore plus de chaos dans sa vie.
Au feu rouge je regardais mon téléphone. J'avais un message d'Olivia.
@livyy : Coucou mon amour, j'espère que ça va. Pas de nouvelles, tu dois être dans le rush du midi. Je t'aime, à tout à l'heure ❤️
Je soupirais, mordillant nerveusement l'intérieur de ma joue. Je répondais rapidement comme si de rien n'était.
@elvire_schz : Coucou toi, oui, tout va bien. Beaucoup de monde aujourd'hui dans le bus, ne t'inquiète pas. Je t'aime aussi ma belle ❤️"
Je sentais immédiatement la culpabilité me ronger. Mais j'avais besoin de plus de temps pour digérer tout ça avant d'en parler à Olivia. Surtout, je voulais comprendre pourquoi cette femme avait resurgi dans notre vie à ce moment précis.
Reprenant le volant, j'inspirais profondément et concentrais mon attention sur la route. Le va-et-vient incessant des passagers m'aidait à me perdre dans la routine, à ne pas penser, au moins pour un moment. Mais l'image de Claudia, déchue et fragile, revenait sans cesse me hanter.
Alors que j'accélérais doucement en direction du prochain arrêt, Asma passa une nouvelle fois dans l'autre sens, me faisant encore un grand signe de la main. Cette légèreté constante entre nous m'apaisa un peu, me rappelant que tout n'était pas si compliqué dans ma vie. Mais le porte-feuille de Claudia restait là, comme une ombre, attendant une décision.
Je sentais mon cœur s'accélérer lorsque j'aperçus à nouveau Claudia Keller, debout à l'arrêt de bus, aussi frêle et perdue que la première fois. La même silhouette vacillante, la même démarche désordonnée. Sans un mot, la femme monta dans le bus, ses mains tremblantes se crispant sur les barres métalliques pour tenter de maintenir son équilibre.
Figée derrière le volant, j'étais incapable de prononcer un mot. J'avais tant de questions qui se bousculaient dans ma tête, mais une peur étrange me paralysait. Claudia s'avança dans l'allée avec difficulté, son regard hagard balayant l'espace comme si elle cherchait quelque chose. Elle ne se tenait pas droite, et à chaque secousse du bus, elle vacillait dangereusement, jusqu'à ce qu'elle finisse par s'écrouler sur un siège, son regard vide fixé sur un point invisible devant elle.
Dans le rétroviseur, je continuais de l'observer. Mon esprit était en ébullition. Cette femme, la mère de la femme que j'aimais, semblait complètement brisée, loin de la figure de la maternité que l'on pourrait imaginer. Je comprenais à quel point la vie d'Olivia avait dû être difficile, mais voir cette réalité de mes propres yeux me donnait une toute nouvelle perspective.
Claudia restait immobile, ne bougeant pas, presque comme une statue. Je sentais la tension monter. J'aurais dû dire quelque chose, l'interpeller, lui rendre son portefeuille, ou simplement lui demander si elle allait bien. Mais les mots restaient coincés dans ma gorge. Il y avait cette crainte, celle de réveiller des blessures profondes qui ne me concernait pas et que je n'étais peut-être pas prête à affronter.
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La nouvelle collègue
RomanceOlivia, 24 ans, conductrice de bus, accueille une nouvelle collègue. Leur rencontre va la chambouler. Une amitié va se créer mais est-ce vraiment ce que souhaite Olivia ? La belle Elvire restera elle indifférente face à l'alchimie entre elles ?
