Avenue Mercedes

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20.

MATTEO RAPHAELLI

Mon appartement était meublé seulement en partie. Gersande progressait parmi des cartons posés un peu partout tandis que je m'affairais en cuisine.

Elle prenait ses marques dans le grand salon dont les murs étaient déjà couverts de livres. Trois grandes fenêtres donnaient sur l'avenue Mercedes. Elle s'assit dans l'un des deux gros canapés placés de part et d'autre de la cheminée d'où émanait une chaleur aux effets somnolant après le froid de l'extérieur. Elle se releva.

Deux heures plus tôt nous ne nous connaissions pas. Je n'étais que le type qui lui avait sauvé la vie.

Elle marchait au son de Marvin Gaye, Inner city blues, de 1971 dont le disque tournait au salon sur une vieille platine restaurée. Elle avait choisi la chanson. Sur les meubles luxueux étaient posées des maquettes d'avions et de bateaux. Il y avait des sculptures en bois et pierres, des éléphants et un buste de Néfertiti.

Puisqu'elle avait lu La Maladie de l'Amour et L'Amour de Margo, Gersande présuma sûrement qu'il existait une histoire pour chaque objet, tableau, dessins ou livres, que chaque chose avait sa place, chaque place une raison. En tout cas pour ce qui avait été déballé.

Elle n'osa pas quitter le salon. Près de la platine, Gersande se sentit observée mais ne me vit pas. Je me retirai de l'encadrement de la porte avant qu'elle ne se retourne.

Elle se dirigea vers le canapé. Je l'entendis s'asseoir à nouveau sur le Dah, dah, dah, dah de Marvin... la musique était alors What's going on.

- Le salon vous plait ? demandai-je avec mon plateau. Je m'interrogeai sur le caractère raisonnable de laisser entrer cette fille dans mon appartement.