6.
Gersande voit la Tour Eiffel à l'extérieur, au milieu des feux d'artifices. Illuminée comme un arbre de Noël. Les sanglots montent dans sa gorge au milieu des sifflements de fusées et les crépitements des pétards.
Gersande fait un pas vers les portes les plus proches. Le gitan lui sourit. Elle voit les cicatrices de son jeune visage se déformer.
- On fait rien. Tranquille. On s'amuse un peu. On te trouve belle.
Il s'approche. Les autres se lèvent. Ils l'entourent. Gersande s'adosse aux portes, elle essaie de les ouvrir mais elles sont verrouillées. A la seconde où le gitan la touche pour la première fois, pose sa main sur sa joue, elle hurle.
Elle sent les doigts du garçon sur ses lèvres et ferme aussitôt la bouche. Il cherche à les mettre à l'intérieur. Elle le repousse, il la gifle.
Le seul blanc de l'équipée se colle contre elle et pose sa main sur son entrejambe. Le grand noir, parce que l'un est grand, l'autre plus petit avec une capuche rabattue sur la tête, saisit son bras et la force à toucher ses parties. Il a une érection.
Elle hurle à nouveau, le gitan lui met les doigts dans la bouche et les enfonce. Ils ont le goût amer de l'alcool et sentent la terre. On tire sur son pull pour la déséquilibrer. Ils essaient de la mettre au sol.
Celui qui lui frottait le sexe crie aux autres qu'elle mouille, que c'est tout chaud. Il cherche à ouvrir son pantalon. Elle sent leurs parfums forts, l'odeur de leur sueur et de leurs vêtements neufs. L'un des garçons lui donne un coup de genoux dans la cuisse. La douleur la fait plier.
- Jette lui l'alcool dessus, on va la cramer la pute, hurle le gitan. Le blanc va chercher la bouteille.
- Feu d'artifice mec !
Leurs gestes sont brouillons, ralentis et alourdis par l'alcool. L'autre ne trouve pas la bouteille. Le noir crache au visage de Gersande, elle sent le mollard sur ses paupières, couler sur ses cils et sur le nez. Des points lumineux verts du feu d'artifices glissent sur le visage du garçon entre ses gouttes de sueur.
Le gitan tord si violemment le bras de Gersande qu'elle sent qu'il va le lui briser. Il l'attrape par les cheveux et la met à terre. Elle gémit de douleur. Le sol contre la joue, de la salive lui échappe. Elle geint et couine, un son aigu passe à travers ses sanglots. Il lui attrape les cheveux et la traine jusqu'au milieu du wagon.
Elle ne voit pas, et les autres ne l'auront pas vu non plus, un homme ouvrir les portes entre ce wagon et le suivant pour se précipiter sur eux.
Derrière lui, un autre homme habillé de la tenue verte de la RATP reste immobile, les clefs salvatrices en mains. Il ne bougera pas pour aider.
Le premier se rue de toutes ses forces contre les agresseurs de Gersande. Il porte un complet et un manteau bleu nuit. Chemise blanche, cravate noire. Il a dans sa main un parapluie qu'il pulvérise sur le premier des quatre garçons.
Le train redémarre à ce moment. Il reste une moitié de pont à traverser.
Les secousses rendent la scène confuse. Gersande aperçoit les têtes des autres passagers du wagon voisin préférant observer à bonne distance.
Les coups de poings et les coups de pieds pleuvent sur son sauveur. Gersande prend appui sur son bras pour s'asseoir, le dos contre un siège relevé près des portes. Elle reste là. Le train s'arrête à la station Bir Hakeim. Le pont est enfin traversé.
Le bruit mécanique de l'ouverture des portes, les coups, les cris et les grognements de la rixe résonnent sur le quai où de rares usagers s'apprêtent à monter. Gersande essuie le cracha de son visage. Elle pleure.
Mais seul le froid entre dans le wagon avant que les portes ne se referment sur l'homme qui se fait tabasser pour elle.
Le trajet entre Bir Hakeim et Dupleix dure une éternité. Le sauveur ne rend plus les coups, il est recroquevillé sur les fauteuils. Il se protège le visage. Gersande craint pour lui.
Nouvel arrêt. Les portes s'ouvrent. Cette fois-ci des hommes de la sécurité de la RATP entrent et maîtrisent les quatre garçons à coups de crosses.
Gersande est toujours assise sur le sol, elle essaie de se faire toute petite.
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Avenue Mercedes
Mystery / ThrillerGersande Hellker, 17 ans, disparait en pleine nuit dans un des quartiers les plus huppés de Paris. Le principal suspect est un jeune auteur célébré pour deux romans d'amour où chacune des femmes de sa vie se reconnait. A-t-il supprimé sa nouvelle...