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Samedi 6 mars 2021. Matin. Léognan.

La pluie ne cesse de tomber comme un voile sur le passé. Jules est devant le collège François Mauriac. Bâtiment gris, carré, bétonné. Une modernité datée. La cour de l'école est bruyante, particulièrement sous les préaux où jouent, parlent et crient les jeunes adolescents. Jules écoute ses souvenirs dans le silence.

Il écoute ses copains de l'époque. Il fait beau, on attend l'été, on parle de filles. On veut draguer. Les premiers fantasmes. Les profs, les pionnes que l'on imagine sur la table de la salle des colles, les classes dans les préfabriqués et l'attente des vacances.

Revenir sur les lieux de son enfance lui rappelle ses peurs. Celle de ne pas être à la hauteur. Celle d'aller vers l'autre. La peur d'être seul, moins aimé, pas aimé. Et la peur de croiser Matteo.

Pour lui le collège fut quatre années à se demander dès le mois de septembre où étaient ses cours pour ne pas risquer de se trouver face à lui.

Sous le préau se trouvaient déjà les casiers de couleurs qu'il observe. Il y déchargeait son sac lourd ou y posait les feuilles de dessin des cours d'arts plastiques pour ne pas risquer de les abîmer. Le dessin était son moyen d'expression. Il n'a jamais su écrire. Contrairement à Lola. Cette sœur qu'il aime tant. Une sœur qu'il n'avait pas eu à choisir mais qu'il aurait choisi s'il l'avait fallu. Lola écrivait bien, elle avait obtenu des prix et gagné des petits concours de nouvelles lorsqu'elle était lycéenne et étudiante.

Son téléphone sonne.

- Lieutenant Fergusson.

- Bonjour, c'est Lola.

- Je t'écoute.

- Alors, - grande inspiration – son père fait un séjour méditatif chez les bouddhistes au pied de l'Himalaya depuis trois mois. Il y reste encore trois mois. Aucun moyen de communiquer avec lui. J'ai eu sa femme au téléphone qui a été charmante. Elle connaît l'existence de Gersande et elle pousse son mari depuis des années à reprendre contact avec sa fille, ce qu'il n'a pas encore fait. Il n'était pas prêt et il a fait ce retrait ou cette retraite, je sais plus, retraite je crois, pour ça justement. Il compte venir à Paris à son retour pour la voir, cet été. Elle va m'envoyer la preuve de l'achat des billets d'avion et... enfin elle a confiance en son mari et il ne serait pas allé à Paris ou n'aurait pas kidnappé sa fille sans le lui dire. Je te dis ce qu'elle m'a dit au téléphone, quasiment texto. – Elle enchaîne – C'est une retraite qu'elle a faite elle-même il y a cinq ans après leur troisième enfant et c'est impossible ni d'en sortir, ni de communiquer à l'extérieur pendant les six mois. J'ai regardé sur internet et ils confirment.

Il a envie de dire, je t'aime petite sœur. Je suis fier de toi.

- Ok. Danny est avec toi ?

- Oui, tu veux que je te le passe ?

- Non. Si tu n'as rien d'autre sur l'affaire tu peux reprendre un autre dossier en cours. Mais reste dispo. Tu as revu Rebecca ?

- Yes. J'aimerais le faire venir au commissariat, j'attends que tu reviennes. Et toi ? Comment ça se déroule ?

- Je vais voir la mère et le frère de Matteo.

     - Fais attention avec lui.

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