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DUNIA SAAD

(Reproduites en vue de la future publication des documents de l'affaire )

Vendredi 5 mars 2021, moins d'une semaine après la disparition de Gersande. Hôtel Prince.

Je plongeai une main dans le décolleté de ma robe pour replacer mes seins. Du bout du doigt je nettoyai le rouge dépassant de la commissure de mes lèvres. A côté de mon visage, dans le miroir, se reflétait une reproduction d'une peinture de Degas accroché au mur. Une jeune femme, nue, de dos, assise sur le bord d'un lit, essuyant ses cheveux dans une serviette de bain. La chambre de l'hôtel était impersonnelle et froide malgré les efforts de décoration. J'enfilai mes chaussures noires à talons, mon manteau et mon écharpe. A l'accueil, une jeune femme me souhaita une bonne journée. Je ne m'entends pas lui répondre.

La mère de Gersande ne m'avait pas contactée après la disparition. Pour attaquer son mari oui, mais pour retrouver sa fille non. J'avais encore quelques affaires à régler à l'agence pour qu'elle soit autonome dans son fonctionnement mais je préparais déjà mes bagages pour le retour à New-York.

De l'hôtel, j'avais une dizaine de minutes de marche pour rejoindre mes locaux. J'en profitais pour revoir mon planning de la journée. Une voix intérieure m'interdisait de quitter Paris et Matteo une nouvelle fois et une autre voix plus forte me signifiait qu'il était temps de partir.

Je patientais à un passage piéton lorsque le moteur d'un panneau publicitaire à côté de moi s'actionna. La réclame d'un parfum laissa place à l'image de Gersande. Disparue, numéro. On voyait cette photo dans tout Paris.

Je remontais la rue de Marsollier. L'agence se trouvait près du théâtre des Bouffes-Parisiens au cœur du 2earrondissement.

J'examinais le dossier d'embauche de la dernière recrue dans une salle de réunion. Mes pensées vagabondaient entre la moquette grise, les baies vitrées, les stores blancs, le tableau blanc et le vidéoprojecteur.

J'étais à la tête d'une agence internationale de détectives privés, je possédais des bureaux à New-York, Londres et Paris.

Mon ancien fiancé m'avait vendu ses dernières parts de la société deux mois auparavant. J'étais la seule aux manettes et ce, malgré les investisseurs.

Je m'étais accomplie en quelques années. Sans l'aide de mon père et de Nic j'aurais mis plus de temps mais j'avais satisfait mon ambition. J'avais résolu ou fait résoudre par mes associés et employés un certain nombre d'enquêtes et nous commencions à nous spécialiser aux États-Unis et en Angleterre dans les cold cases, les affaires judiciaires non élucidées ou classées sans suite, ainsi que les recherches de personnes disparues.

Je pensais demander une étude en France sur les cas de disparitions, créer un précédent en résolvant l'affaire Hellker afin de promouvoir un travail en commun avec l'instruction. Gersande pourrait servir à cela.

Il faudrait proposer mes services à Rebecca. Mais cela m'imposerait de rester à Paris. Je réfléchissais aux arguments que je pourrais utiliser pour convaincre les magistrats de mutualiser nos efforts. Avec le téléphone de la salle de réunion j'appelai Sandra, la secrétaire.

- Sandra ? C'est Dunia.

- Madame ?

- Pourriez-vous m'envoyer Clémence s'il-vous-plaît ?

- Bien Madame.

Clémence était la responsable juridique de l'agence de Paris. Je voulais l'interroger sur la faisabilité d'un partenariat liant juges et enquêteurs. Comment pourrions-nous conjuguer notre liberté d'action en tant que détectives et le pouvoir d'investigation de l'instruction et du parquet ? Serions-nous des têtes chercheuses pour le juge ? Comment ne pas complètement remplacer la police ? Quel serait notre statut juridique ? Ou bien mon idée était-elle totalement farfelue ?

La porte s'ouvrit et je souris pour l'accueillir.

Ce n'était pas Clémence. 

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