Avenue Mercedes

74

74.

MATTEO RAPHAELLI

2009. Cestas.

Le Dj lança Running Up That Hill de Kate Bush. Dans une chambre aux tons orangés, le projecteur du jardin, à travers les persiennes, nous plongeait dans un décor de film noir américain.

- A quoi tu penses ? me demanda Dunia Tu crois que c'est le hasard qui nous a conduit ici ?

- Est-ce que c'est le hasard ? demandai-je à mon tour.

- « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous ». Paul Eluard, dit-elle.

- C'est pas le type qui écrit que la Terre est bleue comme une orange ? me moquai-je.

- Et alors ?

- Embrasse-moi.

Elle rit.

- Tu fais ça à toutes les filles ? Cette voix grave ?

Je fis un geste pour m'éloigner. Elle se colla un peu plus contre le mur, me tira à elle puis m'embrassa comme je n'avais jamais été embrassé. Je posai ma main sur sa joue, son cou, j'aurais voulu lui crier je t'aime dès ce moment. Le monde aurait pu s'effondrer que je n'aurais pas bougé de là. Je ne me serais pas éloigné d'elle.

Des heures plus tard, une seule ouverture de porte nous avait interrompu, je suis retourné dans le salon. La fête était presque finie. J'ai cherché Danny. Les gens avaient commencé à partir. La musique était douce. Le saxophoniste buvait avec trois ou quatre mecs. Dans le jardin je poursuivis la recherche de Danny. Les gens autour de moi pouffaient. Je me suis arrêté à la voiture sur laquelle on avait tagué PD un peu partout.

Manon est arrivée comme une furie.

- T'étais où putain ? Je te cherche depuis une heure ! Je veux rentrer, mes copines sont parties.

Je continuai à regarder la voiture. Je lui demandai :

- Pourquoi t'es pas partie avec elles ?

- Parce qu'on devait rentrer ensemble.

- Il est quelle heure ?

- Trois heures et demi.

Elle avait froid et elle était fatiguée.

- Écoute, je dis au revoir à deux-trois personnes. Tiens, les clefs, attends dans la voiture.

Au moment où je les lui donnai il me revint à l'esprit qu'elle habitait à quelques centaines de mètres.

- Et Danny ? Tu l'as vu ?

Elle parut agacée ou effrayée, je ne sais plus.

- Il est parti il y a longtemps. C'est une soirée de merde.

Elle prit mes clefs et je lui demandai encore :

- T'habites vraiment pas loin, tu peux pas y aller à pied ?

Elle haussa les sourcils.

- T'es sérieux ?

- Tu fais chier. Attends-moi dans la voiture, j'arrive.

- Dépêche-toi, lança-t-elle.

Je lui avais déjà tourné le dos.

J'ai passé les quinze minutes suivantes avec Dunia dans la chambre orange. Puis j'ai eu besoin de cinq minutes pour trouver Laura, lui dire que je partais et qu'un connard avait tagué ma voiture.

Selon la police ces vingt minutes étaient suspectes.

Laura ne se rappelait pas m'avoir vu. On a pensé que j'avais pris le couteau dans cette « fenêtre de temps » selon le procureur.