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Extrait de la lettre de Jules à Laura.

Envoyée par fax par le commissariat de Bordeaux à Lola Fergusson

le lundi 8 mars 2021 à 21h05.

Laura,

Je suis dans le train pour venir te revoir. Je peux te dire que j'ai peur. Je me suis mal comporté avec toi comme avec beaucoup de monde. Jusqu'à aujourd'hui. Même avec ma propre sœur.

Lola travaille avec moi sur cette affaire qui me pèse de plus en plus. Nous sommes dans le même service et tout le monde sait pourquoi on a fait appel à elle.

Je ne suis plus fiable.

Je ne suis pas conscient de mes limites. Quand je m'emporte rien dans ma tête ne me dit d'arrêter. Pas de petite voix pour me dire stop. J'en ai rien à foutre de rien. Les médocs m'empêchent de réfléchir.

Je t'écris au cas où on ne se verrait pas, si j'ai pas le courage ou si tu changes d'avis et refuses de me voir, ce que je comprendrais. J'écris même au cas où je pourrais pas te parler si je te vois.

Lola ne le sait pas. Elle l'apprendra bientôt, ne lui envoie pas la lettre de suite. Attend quelques jours ou semaines après que je te l'ai donnée.

J'ai été victime d'attouchements et de viols par la directrice d'un camp de vacances d'été. J'avais huit ans. On était trois. Un autre garçon et une fille. Le même âge. J'ai jamais pu en faire abstraction. Mais depuis l'enquête sur la disparition de Gersande, même après toutes ces années, je ne dors plus. Je fais des cauchemars éveillés. Je ne mange plus. Je me suicide à petit feu.

Les viols, c'était le matin dans son bureau. Elle nous convoquait et les jeunes chargés de s'occuper de nous, nous livraient à elle sans le savoir. On avait fait des bêtises au début du séjour au camp. Ça semblait normal d'aller dans son bureau. Après tout, qu'est-ce qu'on pouvait y faire à par copier des lignes ?

Un matin, la fillette a saisi un coupe papier tranchant et a coupé les tendons d'une main de la femme. Elle a hurlé. Les autres responsables du camp sont intervenus. Ils ont tout découvert. Ils l'ont laissée seule le temps que la police arrive. Ils l'ont retrouvée pendue.

J'en peux plus de cette vie. J'arrive pas à me soigner. Je t'écris pardon au cas où j'aurais pas pu te le dire.

Jules.

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