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LOLA FERGUSSON

Mercredi 10 mars 2021 au soir.

Assise dans la baignoire presque pleine, je penchais la tête de plus en plus en avant jusqu'à ce que mon front touche l'eau. La mousse avait disparu.

J'écoutais un enregistrement vocal de Jules trouvé sur une clef USB dans son appartement.

« J'avais huit ans pour mon premier été en colonie de vacances. On l'a appelée le Château parce que c'était un château. J'y ai rencontré Matteo Raphaelli qui avait le même âge que moi. Ma sœur est venue pour une journée dans le camp. Matteo nous a embarqués dans ses histoires toute la journée. Il nous faisait croire à tout, on le suivait partout. On ne décollait pas de lui. C'était l'été. On dormait dans des dortoirs. Dunia est arrivée deux semaines après nous. Matteo était un magicien. Il nous faisait croire à tout, nous inventait des histoires où l'on était des héros. Chaque jour on partait à l'aventure. Toujours tous les trois. Au final on n'avait pas d'autres amis... Mais à force de fouiner partout on a été pris en grippe par un des surveillants. Ça nous a valu une convocation. Et la responsable nous a tenus à l'écart du reste du groupe toute une semaine... »

La voix de Jules s'éteint. Le silence sur l'enregistrement est très long. Puis assez soudainement, Jules poursuit son récit :

« La première fois... pour eux c'est comme faire l'amour avec un adulte... Il y en a qui sont attirés par les nichons ou les fesses ou les cheveux. Eux c'est la peau, l'odeur, la respiration d'un enfant, ses gémissements... Mais on n'est psychiquement, physiologiquement, physiquement pas prêts, notre cerveau, notre corps, rien n'est prêt... »

Ce matin, à la première convocation au tribunal, Nathan Gazan avait annoncé que Matteo plaiderait non-coupable. 

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