111.
MATTEO RAPHAELLI
22 novembre 2020. Notes.
Hier soir Olympe m'a montré la première lettre qu'elle m'avait écrite pensant que j'aurais moins envie de la tuer après l'avoir lue.
Elle avait écrit sa lettre à son arrivée à New-York, après notre rencontre dans l'avion, assise dans le taxi l'amenant à Manhattan et l'avait gardée sur elle les jours suivant, au cas où.
Elle me l'avait remise dans une librairie de New York où nous nous sommes recroisés par hasard. Le Strand. Une coïncidence qui m'a fait penser à la phrase de Dunia à propos des hasards et des rendez-vous.
Je ne pouvais pas en vouloir à Olympe de s'être dit que l'univers désirait notre rencontre. Je la traduisais en même temps que je la lisais :
Cher Matteo,
Merci pour m'avoir rappelé la beauté de l'honnêteté et pour m'avoir montré qui tu es vraiment, sans avoir douté de la confiance que tu pouvais avoir en moi. Je suis reconnaissante de cette chance qui nous a été donnée de nous rencontrer. Je ne sais peut-être pas ce qu'est l'amour mais je ne pense pas qu'il serait fou de dire que nous nous en approchions lorsque nos regards se croisaient et restaient l'un dans l'autre au cours de ce long et pourtant trop court vol. Je ne voulais pas regarder ailleurs. Je sais que je penserai souvent à toi et je ne peux qu'espérer que tu en feras de même.
Yours,
Olympe.
Un an et demi après, sa simple présence me ronge. Nous habitons depuis six mois à Paris dans le quartier de Villiers. Elle m'exaspère dès le matin avec son rituel du déjeuner à la française. Chaque bouchée dans son croissant craquant à côté de moi alors que j'écris entame ma patience. Ses déplacements qui se veulent silencieux me tapent sur le système.
Sa voix qu'elle cache, parlant si bas que je dois lui faire répéter chaque phrase, m'irrite. Elle veut en faire moins, mais c'est trop. Elle attend que je lui dise de partir mais ne peut-elle pas le comprendre d'elle-même ? Je ne la regarde plus et quand je me force à le faire c'est elle qui détourne les yeux. Je ne lui ai jamais accordé ma confiance. Elle est bipolaire, un moment câline et gentille puis, si je n'abonde pas en son sens, elle devient une garce, parlant d'ingratitude, de manipulation, d'hypocrisie. La phrase qui, hier soir, m'a donné envie de lui balancer le crâne contre le mur : ne pourrais-tu pas agir en adulte et avoir cette conversation ?
Cette conversation nous l'avons eue dix fois, vingt fois. Elle dit qu'elle ne sait plus comment se sentir à l'appartement, elle ne croit pas être la bienvenue. Je réponds que les choses ne sont plus les mêmes, que nous sommes arrivés à la fin de notre histoire. Elle ne comprend pas. Je lui dis que je ne l'aime pas. Elle me reproche de ne l'avoir jamais aimée. Je lui assène que c'est ainsi et puis je me tais.
Je n'ai jamais su rompre avec les femmes. Dunia me manque tellement que je les laisse entrer dans ma vie pour remplir un vide qu'elles ne peuvent combler qu'imparfaitement. Et il me devient impossible de m'en débarrasser aussi embarrassantes soient-elles. Olympe est la dernière, je m'en fais la promesse.
Lorsque je la vois j'imagine ce qu'elle pense. A quel point elle est inutile, qu'elle pourrait ne plus être là et que j'en serai soulagé. Qu'elle est devenue un poids, un objet dont on souhaite se débarrasser.
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Avenue Mercedes
Mystery / ThrillerGersande Hellker, 17 ans, disparait en pleine nuit dans un des quartiers les plus huppés de Paris. Le principal suspect est un jeune auteur célébré pour deux romans d'amour où chacune des femmes de sa vie se reconnait. A-t-il supprimé sa nouvelle...