118

17 2 0
                                    

118.

MATTEO RAPHAELLI

Les mots, les images, les secrets et les messages, c'est mon métier. C'est aussi le sien. Mais je construis une histoire, alors qu'elle doit la déconstruire. Je maquille, elle démaquille. Je tire le drap de la dramaturgie sur la vérité, elle retire le drap. Je dois tout mélanger, elle s'applique à trier. Je pense avec le cœur, elle doit le faire avec la tête.

Ses locaux sentent le neuf. La secrétaire n'a pas été difficile à convaincre. Dunia est seule. Je ne pouvais pas la prévenir, pour me donner jusqu'au dernier instant la possibilité de renoncer, jusqu'à la seconde où son regard se posera sur moi.

J'ai dit « salut ». Je n'ai rien trouvé d'autre à dire.

Je suis en présence de Dunia Saad. Je ne joue plus avec Nora ou Amélia, je suis avec celle que j'ai cherchée chez toutes les autres. Elle pleure devant. Je ne sais toujours pas quoi dire et je me fous que son sourire se soit effacé, j'ai arrêté de réfléchir et s'il te plaît ne bouge pas, s'il te plaît ne pars pas et je ne sais pas ce que je ressens mais j'y suis en entier.

Elle a un rire nerveux. Je n'ai pas eu besoin de plus de trois secondes pour comprendre que je l'aime encore. Elle n'essuie pas ses larmes. Je désigne un siège.

- Je peux ?

Elle soupire dans ses lèvres, les faisant danser comme un ballon qui se dégonfle, pour évacuer tout à la fois, la demande d'autorisation superflue, son émotion et ma bêtise.

Je me sens fragile face à elle. Elle pose son stylo sur un dossier et s'enfonce dans son fauteuil. Elle commence :

- Salut.

- C'est ma réplique.

Elle tourne légèrement sur son fauteuil à roulettes vers moi. Elle demande :

- Comment m'as-tu trouvée ?

- Tu n'es pas difficile à trouver.

Elle acquiesce.

- Je devrais peut-être t'embaucher, dit-elle.

Elle essuie enfin ses larmes.

- Ça va ?

Je réponds par une autre question :

- Est-ce que tu as quelqu'un ?

Elle sert les lèvres puis me répond elle aussi par une question :

- Pourquoi es-tu là ?

- J'ai un service à te demander.

Elle fronce des sourcils.

- Quel service ?

- L'opposé de ton métier. Faire disparaître quelqu'un. 

Avenue MercedesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant