Partie 12 La vérité sort de la bouche des enfants

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159.

MATTEO RAPHAELLI

Retour à la nuit du dimanche 28 février au lundi 1er mars 2021.

3 avenue Mercedes. Paris.

Arrivée de Gersande chez Matteo Raphaelli.

Il est deux heures du matin passé. La Tour Eiffel est éteinte. Mon souffle blanchit la vitre de la fenêtre. Gersande est à côté de moi et depuis l'avant-dernier étage du numéro 3 de l'avenue Mercedes, nous observons valser contre les murs des immeubles les lumières silencieuses bleues des voitures de police stationnées en bas, devant le numéro 4.

Je me tourne vers Gersande.

- Il va falloir économiser nos forces et donc en ce qui te concerne, dormir.

Je lui montre ma chambre.

- Je te laisse mon lit.

Elle allume la lumière. Je l'éteins.

- Il faut que tu sois le plus loin de la porte d'entrée si la police entre en la forçant.

Je m'approche de la fenêtre sans l'ouvrir pour ne pas attirer le regard depuis l'extérieur. Je lui explique.

- En cas de descente de la police, par cette fenêtre, on accède au balcon. Tu as le vertige ?

Elle secoue la tête.

- Tu trouveras dans un renfoncement une échelle de pompiers avec laquelle tu pourras monter en toute sécurité et atteindre le toit. Tu trouveras une trappe en verre. Elle est lourde mais n'est jamais verrouillée. Tu descendras. Tu seras dans les combles de l'immeuble. Les flics chercheront par-là mais ils ne pourront pas accéder aux endroits où toi tu pourras te glisser. Évidemment n'oublie pas de fermer la trappe du toit.

- Ou je pourrais fuir par les toits.

Je prends mon temps pour que mes mots aient plus d'impact.

- Je te le déconseille fortement. Parce que si tu t'aventures sur les toits, tu mourras. On est en hiver, ça glisse, ça souffle, les toits sont en pente et il y a vingt mètres de précipice. Donc pas de balade là-haut. Compris ?

Gersande n'hésite pas.

- Compris.

- Bien. Toi tu dors, moi je vais dans la cuisine.

Elle s'approche de moi, je sens qu'elle veut un geste de tendresse. Je la prends une nouvelle fois dans mes bras.

- Ça va bien se passer.

- J'ai confiance...

Elle soupire. Dunia avait le même soupir. Elle avait peur de sa mère. Je la sentais soulagée mais terrorisée. Elle n'avait rien d'autre que les habits qu'elle portait. Il était deux heures moins le quart.

Cette nuit après ma fuite du Jules Vernes, je n'avais pas réussi à dormir, ressassant, pensant à Dunia dans sa robe rouge. J'avais du mal à réaliser. Je l'avais vue, j'y étais... et non. J'avais eu trop peur d'être rejeté.

Gersande m'avait sorti de ma douleur de ce soir-là. C'était aussi pour cela que je l'avais faite monter et que j'avais accepté de l'aider.

Si j'étais resté au Jules Vernes, je n'aurais pas décroché l'interphone, et rien de tout cela ne serait arrivé. Ou arrivé plus tard, je ne sais pas.

Il était évident que je serais l'un des premiers suspects. Elle avait passé du temps avec moi. Elle ressemblait au personnage de mon dernier livre qui racontait la disparition d'une jeune femme. La police fouillerait l'appartement ainsi que les appartements inoccupés de l'immeuble. Il nous fallait un complice. Quelqu'un qui ne parlerait pas. J'avais dit en plaisantant que cela pouvait impliquer la mort de ce complice une fois le méfait accompli. Gersande rejeta l'option avec un sérieux déconcertant.

- On va se servir d'Antoine, mon beau-père, avait-elle dit.

Elle était sûre d'elle. Je refusai. Pas question de mettre un type qui avait essayé de l'embrasser alors qu'il était son beau-père dans le secret.

- Il y a peut-être une autre solution, avait-elle ajouté. 

Avenue MercedesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant