Avenue Mercedes

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MATTEO RAPHAELLI

Mercredi 3 mars 2021. Fin d'après-midi. Au bureau de Maître Nathan Gazan. Ami et avocat de Matteo Raphaelli.

Lorsque Nathan fut au courant pour Gersande et Valentine, il m'expliqua comment l'accusation allait procéder vis-à-vis de Valentine et de l'éventuelle découverte du corps de Gersande. Le genre de conversation qu'on adore.

- Les conditions d'ouverture de l'enquête pour recherche des causes de la mort sont la découverte d'un cadavre et une cause de la mort inconnue ou suspecte, ok ? En cas de découverte d'un cadavre, l'officier de la police judiciaire qui en est avisé en informe immédiatement le procureur de la République, puis il va au plus vite sur les lieux pour procéder aux premières constatations. Le proc' décide quelle procédure lancer. En principe il la conduit, sauf à la déléguer à un officier de police judiciaire. Mais même en cas de délégation, le procureur conserve la direction de l'enquête. Je vais me renseigner si un flic de la PJ a été délégué, ok ?

- C'est Lange.

- Ok... Les auditions et comparutions forcées des témoins sont autorisées et assurées par l'officier de police lui-même. Mais il n'y aura pas de garde à vue. Pas de mesure coercitive, tu te rappelles de ce que ça veut dire ?

- J'ai pas tout oublié, répondis-je faisant référence à mes études de droit auxquelles mes lecteurs de La Maladie de l'Amour sont familiers.

Je demandai :

- Est-ce que je suis libre de mes mouvements ?

- A voir s'il y a application de l'article 85. Je ne sais pas si la famille s'est constituée partie civile... Écoute, pour Gersande tu ne risques pas la garde à vue parce que l'article 74-1 n'a pas pour objet de rechercher les causes de la disparition mais de retrouver la personne disparue. La priorité n'est pas de comprendre ou d'expliquer mais de sauver une personne dont on est sans nouvelle et qui se trouve en possible danger de mort. C'est bon ?

- Continue.

- L'article 74 prévoit dans un délai de huit jours les mêmes capacités d'actions qu'en cas de crime. Ensuite, écoute-moi bien, ensuite, le procureur peut renvoyer l'affaire au juge d'instruction. Le juge d'instruction peut être amené à prendre des décisions juridictionnelles touchant au fond. Il ne peut déclarer une personne coupable d'une infraction mais il peut la mettre hors de cause. Dans ce cas-là il prend la décision de non-lieu au profit de la personne mise en examen selon l'article 177.

- Je ne comprends rien. Je faisais du droit du travail, pas du pénal.

- Le procureur de la république va t'accuser. Il a des moyens d'investigation dont la personne poursuivie et son avocat sont dépourvus. Toi et moi. Nous on va se défendre. Et au milieu, le juge d'instruction réunit les éléments de la preuve, à charge et à décharge avec l'aide des flics. Puis c'est le procès.

Nathan marqua un temps.

- Quoi ? demandai-je.

- Maintenant tu es mon client. Tu feras ce que je te dis.

- Ok.

- Je te le redemande. Est-ce que tu es lié à cela ?

- Non.

- Je ne te demande pas si tu les as tuées mais j'aimerais bien le savoir.

Je ne répondis pas. Nathan hésita. Je ne sais pas s'il a pensé que j'étais un criminel.

- Bien. La première étape, et je ne te parle pas des risques de la presse parce qu'un homme, une célébrité, soupçonné du meurtre de deux femmes, avec qui il a eu des relations...

- Je n'ai pas eu de relation avec Gersande, le coupai-je. Et elle n'est peut-être pas morte. Mais merci de t'interroger.

- Pour le reste du monde tu as eu des relations sexuelles avec elle. Il faut penser en termes d'apparences maintenant. Voilà ce qu'il va se passer. C'est déjà la préparation du procès, il ne faut pas attendre la fin de la semaine. Même si on trouve Gersande vivante qui dira que tu n'y es pour rien, il y aura une affaire Valentine Lucas. Donc le juge d'instruction sera saisi et ira chercher quelqu'un contre toi. Une femme forcément.

- Olympe. L'américaine.

- La bonne candidate pour témoigner contre toi.

Encore une fois je ne répondis pas. Nathan demanda :

- Il n'y a rien dont elle pourrait se servir contre toi ? Elle n'a rien à te reprocher ?

Je réfléchissais.

- Je peux peut-être encore faire quelque chose pour elle. Pour qu'elle se range de notre côté.

- Non vieux. Ils sont déjà sur le coup. Du moment où Valentine est découverte et que tu as été considéré comme suspect...

- Mais comment on me signifie que je suis suspect ? le coupai-je encore une fois.

- C'est déjà fait, ils t'ont interrogé, ils ont perquisitionné chez toi. La prochaine étape c'est la convocation au procès... On va se préparer de notre côté.

Je me sentais perdu. Nathan non. Je ne sais pas si sa science étalée devant mes yeux était censée me rassurer. Cela produisait plutôt l'effet inverse. Il reprit :

- Si la personne poursuivie en fait la demande, les juges sont tenus lorsqu'ils en sont légalement requis, d'ordonner l'audition contradictoire des témoins à décharge. Tu m'écoutes ?

- Tu sais ce que tu fais ?

- Bien sûr.

- Alors pour l'instant ne m'explique pas. Demande-moi ce dont tu as besoin.

- D'une ex avec qui tu es resté en bons termes s'il te plaît. Si ça existe ?

- Lucia.

- C'est vrai. Heureusement il y a elle, soupira Nathan.