Avenue Mercedes

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121.

Vendredi 5 mars 2021. Soir. La Toupie, Martillac.

Douze ans plus tard, Laura n'est plus vraiment la même. Jules se dit qu'elle a pris cher. Ils se sont retrouvés au restaurant La Toupie, dans le village de Laura, Martillac. A une quinzaine de kilomètres de Cestas.

Ils sont à une table pour deux. Jules se demande si de l'extérieur ça ne ressemble pas à un dîner en amoureux ou à un rendez-vous galant. Qui parmi ceux de la salle les regardent et les imaginent faire l'amour sauvagement ? Habillés, dans la voiture sur le parking, ou dans une chambre d'hôtel ou chez l'un d'eux ? Qui croit quoi ?

Dans cette affaire, tout le monde pouvait soupçonner tout le monde. Jules sait qu'il y en a toujours un quiment plus que les autres. Il lui faut trouver le menteur suprême. Lui-même n'est pas mauvais, ni pour mentir, ni pour trouver celui qui ment le mieux.

Laura a les cheveux beaucoup plus longs qu'à l'époque du Lycée, ramenés en un chignon sans forme, des cernes sous ses yeux bleus, les traits tirés, déjà des rides et une bouche beaucoup plus grande que dans son souvenir. Elle a les bras croisés sur sa poitrine et tient les manches de son pull noir dans ses mains comme une camée qui cache ses ongles rongés. Elle fait un signe de la tête :

- Te me prends pour une débile ?

- Tu me connais, j'ai l'habitude de vite cerner les gens.

Elle se lève.

- Tu te fous de moi ?

- Calme-toi. Redescends.

- Je me barre, t'es bourré.

Il ferme les yeux. Il n'a pas seulement bu. Il n'a pas pris ses cachetons.

- Tu veux faire obstruction à l'enquête ?

- Je veux parler à un autre flic.

Laura prend son manteau et son sac. Elle renverse une bouteille d'eau sur la table voisine, demande pardon, ses gestes sont trop précipités pour remettre la bouteille debout. Elle abandonne et sort du restaurant. Les gens observent Jules. En se levant, il dit en s'appuyant sur la table :

- Dispute de couple.