Avenue Mercedes

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Lundi 1er mars 2021. 10h. Lycée Saint Jean de Passy

Le proviseur accompagne Jules jusqu'à la salle de cours de mathématique des Terminales S3. Il lui a confirmé que Gersande était absente. Le proviseur n'a aucune plainte à formuler à l'encontre de la jeune femme. Elle n'a jamais été réprimandée. Il l'informe qu'elle est arrivée pour l'année de Terminale et qu'auparavant elle était au Lycée Molière qui se trouve non loin de là. Elle a changé de lycée pour être plus proche de son domicile.

Jules lui demande la version officieuse. Le proviseur répond un peu gêné :

- Le sénateur m'a demandé le plus de discrétion possible.

- Je n'aime pas les gens discrets.

Ils arrivent au niveau des escaliers, le proviseur tire la porte et Jules la repousse fermement.

- Pourquoi est-elle partie de l'autre lycée ?

- Harcèlement.

- Qui la harcelait ?

- Non, nous nous sommes mal compris. C'est elle qui harcelait une autre élève.

Jules tire la porte et les deux hommes s'engagent dans les escaliers.

Devant la classe tous les regards sont rivés sur Jules, sa dégaine, sa gueule de cinéma et surtout parce qu'il est flic. Le proviseur est transparent à côté de lui. Il présente le lieutenant. Jules laisse un silence et parle lentement pour avoir le temps de regarder tous les visages et leurs réactions à l'annonce qu'il fera.

- Votre camarade Gersande Duffrey Hellker est portée disparue. Cette nuit aux environs d'une heure et demie du matin, elle a appelé le service d'urgence de la police. D'après cet appel, un homme se serait introduit dans l'appartement de ses parents qui étaient alors en vacances en Autriche. Votre camarade et amie...

Il observe chacun des vingt-cinq visages. Quelle réaction à l'évocation du terme « amie » ? Tous le regardent sauf une fille. Une brune. Mignonne.

- N'a donné aucun signe de vie depuis cet appel. Son téléphone et son ordinateur ont été brisés. Elle a complètement disparu. Elle semblait aimée...

Un sourire incontrôlé par là-bas. Une autre fille. Encore une brune, les cheveux tirés en arrière.

- Et je cherche tout indice contraire à la vie de rêve qu'elle pourrait faire croire. Je cherche des histoires qu'on ne dit pas. Des trucs un peu crades. Elle a un copain, je veux savoir si elle en a deux. Je veux savoir si elle se droguait, si elle faisait la pute...

Les élèves se regardent entre eux maintenant. Le proviseur s'éclaircit la gorge pour montrer sa désapprobation. Pute n'a pas sa place ici.

- Je veux savoir ce qui ne va pas chez elle. Pourquoi voudrait-elle partir ou pourquoi chercherait-on à la faire disparaître ?

Maintenant qu'il a mémorisé tous les visages il peut se permettre d'aller un peu plus loin.

- Qui parmi vous a organisé ça ?

Tous réagissent, leurs visages changent, ils sont choqués, le proviseur proteste, tous sauf une fille. Une fille plus grande que les deux premières. Il s'approche d'elle. Sur le collier qu'elle porte, il y a son prénom. Julie. Comme les chiens. Mais Jules ne s'arrête pas à sa table. Il va jusqu'à la chaise vide de Gersande. Chaque bureau est individuel, comme en période d'examen ou une salle de concours. Il s'assoit.

- On a trouvé un mot écrit au stabilo sur un livre d'anglais. Elle devait réviser en nocturne. Elle a écrit JULIE.