130.
Suite.
Olympe a besoin d'air. Depuis des mois sa colère contre Matteo la ronge. La jalousie, l'incompréhension, la frustration surtout. Pourquoi arrive-t-il que dans un couple l'un des deux ne soit plus intéressé, décide de partir, n'aime plus ? Sans raison. Parce que le drame est là, la mise à mort d'une histoire d'amour sans raison. Ou bien était-il parti à cause de cette Gersande ? Est-ce que ça collait dans les dates ? L'aurait-il quittée pour elle ?
Elle marche sur les anciennes voies du chemin de fer longeant Passy. Une ligne désaffectée aménagée en promenade. Un chien la surprend en posant ses pattes sur ses jambes. Elle sursaute et demande pardon avant de repartir un peu déséquilibrée par le ballast. Elle se reproche immédiatement d'avoir présenté des excuses à une idiote de maîtresse incapable de maîtriser son cabot.
Elle est nerveuse. Elle essuie les tâches sur ses cuisses d'un geste nerveux de la main et s'enfonce dans la promenade à peine ombragée par les branches nues des arbres.
Matteo l'a toujours poussée à se remettre en question. La passion qu'elle a éprouvée à son égard l'a épuisée. La fatigue d'être et de paraître comme il le désirait avait fini par peser. C'était ça son erreur. Elle s'était fatiguée à être comme elle avait senti qu'il aurait voulu qu'elle soit. Inévitablement elle était redevenue elle-même au fil des mois et... force était de constater que c'était la supercherie, la fausse version d'elle, celle qu'elle avait essayé de lui vendre, qui lui avait plu.
Elle l'aime encore.
Elle se remémore les vagues d'annonces, ces moments où l'on parle de l'autre aux autres. La langue se délie, le secret s'évente, présentation du tableau, le drap tombe et découvre l'amour, l'intime. Les sourires, les félicitations et les vœux de bonheur s'enchaînent. On se représente, présente à nouveau : voici moi, mon nouveau moi défini par l'amour et l'autre !
Mais plus leur bonheur était étalé, plus il semblait fragile. Sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi, si on le complimentait, si on le mettait sur un piédestal comme cela arrivait souvent, elle ne ratait jamais l'occasion de souligner ses défauts. La douleur des autres lui est très supportable, disait-elle par exemple.
Était-il un tueur ? Pouvait-il tuer ? Elle s'assoit sur un banc, près d'un pont. On se demandait souvent ce qu'il pouvait penser. Il y avait paradoxalement, mêlé à l'indifférence, une colère en lui.
Tuer quelqu'un ? Des femmes ? Elle avait pris le feu qui brûlait en lui pour de l'ambition. A moins que ce ne fut de la haine ?
Elle n'avait jamais entendu parler des femmes dont il avait été question avec le commissaire et le procureur. Étaient-elles ces femmes dont il parle dans La Maladie de l'Amour ?
S'était-elle sentie en danger avec lui ? Il avait la capacité de la faire se sentir en sécurité face aux autres, mais avec à lui...
Le père d'Olympe était diplomate, elle avait l'habitude des protocoles, des faux semblants, des secrets. Matteo l'aurait bien eue.
Il l'avait séduite. Elle est là la souffrance. Il avait fait la démarche de la séduire.
Il avait eu envie, puis n'avait plus eu envie.
De quoi pourrait-elle témoigner ? Qu'elle avait découvert des pages noircies de menaces et d'insultes ? Des descriptions de relations sexuelles violentes ? C'est un auteur. Ce sont les épreuves d'un polar inachevé, voilà ce que l'on dira. Témoigner de quoi ? De sa violence ? Il n'avait jamais été violent avec elle.
Sauf une fois.
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Avenue Mercedes
Mystery / ThrillerGersande Hellker, 17 ans, disparait en pleine nuit dans un des quartiers les plus huppés de Paris. Le principal suspect est un jeune auteur célébré pour deux romans d'amour où chacune des femmes de sa vie se reconnait. A-t-il supprimé sa nouvelle...