160.
MATTEO RAPHAELLI
Suite.
Dans la cuisine, je réfléchis. Je bois mon café dans un silence parfait. Je ne peux plus faire de recherches internet parce que mes historiques seront fouillés. Je me suis interrogé sur les droits de la police en cas de disparition d'une mineure et j'ai eu la chance de retrouver un manuel de droit pénal dans mon bureau. Ces années à la fac ne m'auront pas servi à rien. Je découvre alors qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent pendant une semaine.
Je repense à tous ces moments avec Gersande à échanger, sortir, lire. J'agis pour elle. Je ne peux pas supporter l'idée qu'on la maltraite. On ne maltraite pas un enfant.
A huit heures je vais la réveiller. Je me suis assoupi sur la table de cuisine. Les flics ne sont pas venus. Ils auraient pu.
Dans le salon, elle a de petits yeux. Elle n'a pas dû beaucoup dormir. Elle vient de sortir de la salle de bain. Je suis passé derrière elle, j'ai jeté ma brosse à dents et ai pris celle que je venais de lui donner.
Je fais attention à faire disparaître le maximum de trace de son passage. Je dirai à la police qu'elle est déjà venue plusieurs fois, ce que s'empressera de confirmer sa mère. Donc de l'ADN, ils en trouveront et ce ne sera pas un problème. Mais pas de brosse à dent attitrée.
- Votre femme de ménage, Maria, est en congé aujourd'hui logiquement puisque tes parents viennent de partir ?
- Oui.
- Je vais aller voir sa fille, tu vas te cacher dans les combles jusqu'à ce que je vienne te chercher au cas où la police vienne à l'appartement pendant mon absence. Ils ont le droit de le faire et ils le feront dès que ta mère leur dira que l'on se voit depuis plusieurs semaines. Ok ?
- Ok.
- Tu veux un autre café ?
Elle met une seconde ou deux à me répondre. Ses grands yeux bleus attentifs me dévisagent. Je me demande si elle regrette son geste. Le téléphone sonne. Le numéro est inconnu. Je ne réponds pas et laisse sonner. Lorsque le silence revient, j'essaie de rassurer Gersande.
- Tu... as le droit de renoncer à tout ça. Revenir chez tes parents. Tu le sais ? Tu peux arrêter ça quand tu veux. On dira que, tu diras que tu as dormi chez une copine. Ils ne pourront pas te forcer à dire avec qui tu étais. Tu comprends ?
- Je ne suis pas idiote.
Elle sourit. Elle pose sa main sur ma cuisse. Je me lève. Une alerte me prévient que j'ai un nouveau message vocal.
- Donc, tu es consciente que les choses n'ont pas à aller jusqu'au drame.
Elle acquiesce et boit son café. J'allume la radio et demande :
- Sa fille s'appelle Namia et bosse au restaurant du coin, c'est bien ça ?
Elle acquiesce à nouveau. La solution proposée par Gersande était de convaincre Namia de faire en sorte que sa mère, la femme de ménage des Duffrey Hellker, soit notre complice. Qu'elle accepte de recueillir Gersande le temps des fouilles ou perquisitions inévitables effectuées dans mon appartement. Elle la garderait quelques temps puis je l'emmènerai à Chantebise. Ce serait un jeu du chat et la souris pendant une semaine avec la police, où elle devrait bouger en espérant ne pas se faire attraper.
- Le restaurant où elle travaille ouvre à 11h, dit-elle.
- Je partirai à 10h30 pour faire des achats et justifier ma sortie si je croise quelqu'un.
Il se met à neiger contre les fenêtres. Le sol et les toits sont encore blancs des chutes de la nuit. Les informations à la radio parlent d'une tempête de neige dans le Sud, du côté de Montpellier.
- Tu passeras par l'intérieur dans les combles. Je t'aiderai avant de partir.
Dans son regard, son désir n'avait jamais été si fort. Elle retourne à la salle de bain. J'écoute le message sur mon répondeur.
« Bonjour, ici le lieutenant Lola Fergusson de la police judiciaire. Une jeune femme du nom de Gersande Hellker est portée disparue dans votre rue. Nous pensons savoir que vous la connaissez et aimerions vous poser quelques questions. Rappelez-moi dès que vous aurez ce message, merci. »

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Avenue Mercedes
Mystery / ThrillerGersande Hellker, 17 ans, disparait en pleine nuit dans un des quartiers les plus huppés de Paris. Le principal suspect est un jeune auteur célébré pour deux romans d'amour où chacune des femmes de sa vie se reconnait. A-t-il supprimé sa nouvelle...