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DANNY SOCKO

Mardi 9 mars 2021. Bordeaux. Rendez-vous avec la psychologue, ancienne pédopsychiatre de l'école primaire de Danny et Matteo.

Je revois la psychologue, ancienne pédopsychiatre, griffonner sur son carnet et me demander depuis quand je ne l'avais pas vu. J'ai repensé à la soirée de 2009.

- Plus de dix ans.

Elle est restée impassible. Je l'ai scrutée pour saisir une réaction qui ne vint pas. J'ai demandé :

- Ça vous paraît long ?

- Et vous, est-ce que ça vous paraît long ?

- La psychologie c'est comme l'hypnose, hein ? Il faut jouer le jeu, n'est-ce pas ?

- Je crois que oui, c'est le truc.

Elle était assez belle pour son âge. La cinquantaine lui donnait un air apaisé, ses traits fins dessinaient un beau visage. Aussi sexy que la psy dans la série les Soprano. Avait-elle eu recourt à la chirurgie ?

- Vous pensez avoir fauté ?

- Pourquoi ? demandai-je.

- On ressasse les moments que l'on aurait pu changer. Notre subconscient donne l'information que l'on a été en capacité de réagir d'une manière plus satisfaisante et on se refait le film, comme vous dites, comme un bug. Une répétition dans l'idée de changer la réalité.

- Ce qui n'est pas possible, dis-je.

- Bien vu.

- J'aime bien que vous ne me parlez pas comme à un malade.

- Vous n'êtes pas malade.

- Alors pourquoi est-ce que je me sens mieux avec vous ?

- Parce que je vous écoute. Je vous guide à défaire les nœuds de vos sentiments pour cet homme et à libérer le poids de ce bug. Harry a beaucoup compté pour vous.

Évidemment je n'avais pas donné son vrai nom. Je ne crois pas au secret professionnel même médical. Elle pourrait très bien aller le retrouver pour le plaisir ou satisfaire sa curiosité. J'ai vu une série à la télé où une psy faisait ça. Donc j'ai dit Harry en pensant, au film Harry, un ami qui vous veut du bien. Alors que Matteo ne me veut pas, mais alors pas du tout, du bien.

Je posai mon regard une énième fois sur la décoration du bureau. Très classique. Le fauteuil dans lequel j'étais assis était en cuir marron, au toucher doux. Le docteur Milevitch était assise dans un fauteuil identique face à moi. Je n'arrivais pas à comprendre comment elle pouvait avoir autant d'élégance, assise là alors que j'avais la sensation d'être enfoncé, mes genoux trop hauts et pliés, position qui remontait mon pantalon et découvrait mes chaussettes et une partie de mes tibias. Ma chemise et ma veste bloquées cinq centimètres plus haut que mes épaules me donnaient l'air de porter un costume à épaulettes des années 80 dans un clip de Michael Jackson.

Elle était très simple et distinguée. Elle dégageait une certaine quiétude. Sa personnalité s'effaçait pour permettre à son interlocuteur de lui parler en confiance.

Ces étagères et ces murs couverts de livres ! Matteo aurait adoré. En dessous, il y a les dossiers, dont celui de Matteo. Et je ne sortirai pas sans ce dossier. Il y a la réponse à toutes mes question là-dedans. 

Avenue MercedesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant