36.
Nuit du 28 février au 1er Mars 2021.
Le vestibule. Forme quasi octogonale. Porte à gauche, fermée. Couloirs en face et à droite. A droite long couloir. En face, passage large. Moins long, donne sur une partie de la cuisine. Une commode entre la porte à gauche et le couloir d'en face. Bois lustré. Sol, parquet, lattes d'une dizaine de centimètres de large. Entre les deux couloirs, accroché au mur, un portrait de famille. Peinture, style américain début XXe. Le sénateur, sa femme et la belle-fille semblent l'observer. C'est une façon originale pour le commissaire de découvrir la gamine.
L'agresseur devait savoir que les parents étaient absents. Comment connaissait-il les codes de la porte ? Est-ce la gamine qui les lui avait donnés ? Ou avait-il demandé à quelqu'un de l'ouvrir ? Ou encore avait-il attendu qu'un habitant entre ou sorte pour se glisser derrière lui ? Plutôt entre pour pouvoir passer les deux portes. Ou pas.
Lange sort un carnet à couverture noire de sa poche et note.
* Entrée ? Habitants.
S'il ne connaissait pas les codes, il est entré tôt. Il y a peu de circulation après 23h dans ce genre d'immeuble. La fille avait appelé la police vers 1h30 du matin. Avait-il attendu dans l'appartement ? Ou avait-il passé la soirée avec la fille ? Peut-être étaient-ils rentrés ensemble ?
Il note :
* Lien ? Sortie ?
Il visualise la scène, entre dans la peau du criminel. Il y a de la vaisselle sale dans l'évier de la cuisine. Le couvert pour une personne. Lange se penche pour voir le verre. Il y cherche une trace d'alcool. Il se penche encore plus pour sentir. Rien. De l'eau. Il faudrait voir s'il y avait d'autres verres dans l'appartement. Des verres qui n'auraient pas été rapportés. La cuisine est moderne, entre blanc et gris. Un bruit le fait sursauter. L'enclenchement du moteur du frigo. Sorti de son rôle, il referme les yeux pour y revenir.
* Type de soirée pour la fille ?
Il inspecte toute la cuisine, ne touche à rien pour ne pas détruire d'éventuels indices invisibles qui seraient étudiés par la police scientifique. Il sent un parfum. De femme. La mère. La cuisine est derrière lui. Il passe la porte-fenêtre qui donne sur la bibliothèque. Une marque de rouge à lèvres attire son regard. Un baiser déposé sur un des carreaux de la porte.
* Rendez-vous ?
Il imagine, Gersande prête à sortir, se regarder dans la vitre, se plaire, y déposer un baiser avant d'aller à la rencontre du garçon ou de l'homme venu la chercher dans le vestibule.
Est-ce qu'elle avait été surprise ? Par quelqu'un d'autre ? Un non-invité ? Il la voit sur le palier ne reconnaissant pas cet homme qui l'aurait alors forcée à rentrer et l'horreur aurait commencée.
Impossible. Tout est en ordre.
Possible, s'il avait rangé.
Hypothèse : ils se connaissent.
Dans le salon-bibliothèque. Le feu de la cheminée éteint. Fauteuils. Cuir blanc tape-à-l'œil. Une table basse face à la cheminée. Une tasse à thé au pied de la lampe de chevet. Vide. Les bibliothèques couvrent les murs. Chargées. Une sensation de froid. Il passa par une porte vers sa gauche pour entrer dans la grande salle à manger.
Une longue table en bois. Massive, propre. Une chaise avait été déplacée.
Un homme n'aurait pas pu s'y asseoir à cause de son gabarit.
Il balaye la salle du regard. On sent qu'elle n'était pas fréquentée. Le sénateur déjeune et dîne souvent à l'extérieur, la mère et sa fille doivent certainement se contenter de la cuisine. Froide malgré le buffet, les huit chaises et les tableaux aux murs. Tableaux contemporains. Lange fixe la porte qui donne sur la cuisine. Au-dessus, une horloge. Il reprend son carnet et souligne :
*Rendez-vous ?
Il visualise la fille assise, attendant. Pourquoi ne pas regarder son téléphone depuis sa chambre ? Parce qu'elle est impatiente.
Lange retourne à la cuisine.
Admettons que ça ait sonné. Il est arrivé. Je lui ouvre. C'est une histoire d'amour. Je l'emmène directement dans ma chambre ?
L'homme dépose sa veste dans le vestibule. Je vais lui servir du vin parce que je veux montrer que je suis une femme, plus une enfant.
Donc elle l'emmène à la cuisine. Ils empruntent le couloir, elle reste devant, se retourne pour lui parler et lui sourire. Elle est tellement heureuse de le voir et les parents ne sont pas là. C'est le soir de leur première fois.
Pourquoi pas ?
Il la regarde marcher. Lange a la sensation de la main de Gersande dans la sienne. Il la suit. Ils sont dans la cuisine. Elle rougit en voyant la vaisselle oubliée dans l'évier, encore plus en apercevant le rouge à lèvres sur la vitre de la porte-fenêtre menant à la bibliothèque.
Elle le regarde et sourit. Elle l'emmène et Lange lâche sa main pour chercher du regard où doivent être rangés les verres à pied. Du bout des doigts, il ouvre le placard au-dessus du lave-vaisselle parce qu'on ne circule pas avec des verres à pied. Ils sont propres, on les range.
C'est bien le placard des verres à pied. Il en manque deux ! Il a envie de souligner une deuxième fois rendez-vous mais s'abstient.
Ils ont les verres. Il y a du vin. Gersande lui montre la bibliothèque à moins qu'il ne soit déjà venu.
*Allers et venues remarquées par le voisinage ?
Alors retour dans le vestibule et on arrive dans le couloir des chambres. Ils se taisent parce qu'ils savent qu'au bout du couloir ils feront l'amour et elle est intimidée. Ils passent devant une première chambre. Grande, spacieuse. Le type a dû se dire que celle-ci aurait fait l'affaire. Mais c'est celle des parents.
A gauche face à la deuxième chambre, une petite salle de cinéma. Un grand écran et de confortables fauteuils. Le commissaire pense à un film avec Nicolas Cage sur les esclaves sexuelles et les vidéos ignobles qui circulent entre prédateurs et pervers qui mettent en scène des rapports non consentis et violents allant parfois jusqu'aux meurtres des jeunes femmes. Snuffmovies.
* Famille.
Il se concentre à nouveau. Deuxième chambre. Il pousse la porte et entre. Aussi belle et spacieuse que la précédente. Une chambre d'amis. Le lit est fait. L'avait-il refait ? Cela signifiait-il qu'elle était morte ou hors d'état de le gêner ? Où était-elle lorsqu'il refaisait le lit ?
* Traces chambre 2 ?
Disons qu'ils ne s'étaient pas arrêtés à la chambre d'amis. Puis vient le dressing. La pièce pour les vêtements des parents. Il jette un œil sans y entrer.
Dernière porte du côté des deux chambres, côté avenue, forcément celle de la chambre de la gamine puisque c'est la dernière pièce. L'odeur lui monte au nez.
Il porte la main au visage. L'odeur est très forte.
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Avenue Mercedes
Mystery / ThrillerGersande Hellker, 17 ans, disparait en pleine nuit dans un des quartiers les plus huppés de Paris. Le principal suspect est un jeune auteur célébré pour deux romans d'amour où chacune des femmes de sa vie se reconnait. A-t-il supprimé sa nouvelle...