Avenue Mercedes

66

66.

LOLA FERGUSSON

Soirée du 1er mars 2021. Devant l'appartement d'Antoine Mallet.

Antoine Mallet habitait donc un trois pièces. Une chambre, une cuisine et un salon. Dans l'ascenseur il s'excusa pour la batte. Il se justifia en disant que des jeunes avaient agressé leurs voisins en se faisant passer pour la police et qu'il était un peu nerveux.

Une femme en robe de chambre s'est levée du canapé lorsque nous sommes entrés dans l'appartement. Dans le salon, le canapé collé au mur faisait face à une fausse cheminée sur laquelle étaient posés un grand miroir et un bonzaï. Le pot de la plante était couvert de photos de polaroïd de lui et de Gersande enfant et jeune adolescente. Il avait un bureau près de la fenêtre, un beau bureau, sophistiqué comparé au reste de l'ameublement. Une bibliothèque pleine à craquer était fixée au mur près de la cheminée. Le plafond du salon était strié de madriers en bois verni. Une lampe de chevet était allumée derrière la porte entrouverte de la chambre.

- Bonsoir Madame, dis-je.

- Antoine ? Que se passe-t-il ?

Il la rejoignit pour l'embrasser.

- Il est arrivé quelque chose à Gersande.

Espérai-je retrouver Gersande chez eux ce soir-là ? Je ne sais plus. Jules m'avait un peu influencé et Mallet avait été réticent à me faire monter. Avaient-ils joué la montre pendant que cette femme cachait les éléments compromettants que j'aurais pu trouver ? Était-elle sa complice ?

- Elle est de la police. Gersande a disparu. Madame, Lise Monnier, ma compagne.

Elle se raidit.

- Je vais préparer du café.

- Asseyez-vous, me lança Mallet. Il prit un fauteuil rangé sous le bureau. Je me relevai un peu précipitamment du canapé dans lequel je m'étais déjà assise pour le leur laisser.

Je l'ai croisé pour m'asseoir dans le fauteuil. Il m'a remercié. Je n'ai pu m'empêcher de sentir l'odeur du sexe sur lui. Jules m'avait dit une fois que la mort était aphrodisiaque. Il n'y a jamais autant de baise qu'après la mort. La peur excite, m'avait-il dit.

La femme revint.

- Voilà, malheureusement c'est de l'instantané. Mais c'est une marque.

- Lieutenant, demanda Mallet. Expliquez-moi tout.

- Où étiez-vous aujourd'hui ?

- J'ai passé la journée à faire du sport. J'ai pris mon vélo et je suis parti vers Versailles.

- On vous a appelé.

- Je n'ai pas reçu d'appel.

- On vous a appelé ce matin. Je vous l'assure.

- Je vous dis que j'ai pas reçu d'appel. J'ai changé de numéro il y a pas longtemps et vous avez dû appeler l'ancien. Ça pourrait être une explication.

- Vous ne l'avez pas mis à jour au lycée Saint Jean ?

- Non, je ne pense pas. Du coup comment vous avez-pu m'appeler ce soir ?

- J'ai eu le numéro par votre ex-femme.

Je comprenais pourquoi Jules n'avait pas pu le joindre dans la matinée. Je ne touchais pas la tasse que sa compagne avait posé devant moi. Je racontais l'appel au secours, les premières recherches, les entretiens avec la mère et le sénateur. Je taisais le lien avec Matteo Raphaelli en pensant à Mallet rejoignant l'avenue Mercedes avec sa batte. Je taisais également la découverte du cadavre de Valentine.