Tome 2 : Chapitre 7

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15 Août 2020

Ken

6h45 du matin

J'ai appris la nouvelle hier soir. Au début j'y ai pas cru, je me suis dit que c'était une mauvaise blague mais je me suis vite rappeler que quand ça concerne Naïm, il n'est jamais question de rigolade. C'est juste ma manière de ne pas faire face à la réalité, surtout quand elle me gifle encore une fois.

On s'est tous réunis ici, chez Edna mais l'ambiance n'a fait que s'alourdir. On ne peux même pas aller le voir à l'hôpital. L'enquête est fini, mais il y a encore quelques détails à régler.

J'ai la haine.

J'ai pensé à Jad toute la nuit, j'en ai pas fermé l'oeil. Je sais pas ce qui est le plus dur, si c'est le fait qu'elle soit loin de moi dans ce moment où si c'est parce que je n'ai aucun moyen de l'atteindre pour la prendre dans mes bras, pour lui dire que ça ira, même si ça change rien à sa peine, je veux juste être là pour elle. Je dois être là pour elle.

Une petite part au fond de moi à peur qu'elle s'en aille, comme pour mon accident, qu'elle décide de ne pas y faire face cette fois-ci. Qu'est-ce que j'aurai fait à sa place ? Après autant de pertes, autant d'accidents ? Sa place n'est sûrement pas la meilleure, depuis son adolescence elle est spectatrice de toutes ses merdes qui s'accumulent autour d'elle, alors ouais, qu'est-ce que je ferais à sa place ?

J'ai passé la nuit à retourner cette question dans tous les sens mais je ne sais rien de la vie qu'elle mène depuis 1 ans, je ne sais même pas dans qu'elle état d'esprit elle était quand elle a appris la nouvelle, est-ce qu'elle était seule ? Et dans le doute, je me dis que je devrais peut-être prendre le vol de 10h pour Taipei. Le seul direct de la journée.

Alors je puise le peu de force qu'il me reste pour pour me redresser de mon lit. Une fois assis sur le bord, il me faut quelque secondes avant que le sang ne parte complètement de ma tête. Mes épaules s'affaissent immédiatement quand une boule désagréable vient se loger dans mon estomac. J'ai la nausée.

Mon ami, mon frère est dans le coma. Je peux pas y croire, pas lui. Tout ça pour que Jad, Jia-li et Shadia soient en sécurité pour le reste de leur vie.

Mission réussie, mais au prix de sa vie ? Je sais pas si elles auraient vraiment voulu ça, si c'est pas plus dur de vivre ce moment en ayant ce genre de pensée, et connaissant la femme que j'aime, je sais que ça doit l'anéantir.

Puis je me dis que c'est peut être pas une bonne idée de prendre l'avion, parce que si jamais elle décide de revenir ici, à Paris, je serais comme un con là-bas alors que j'aurais pu être avec elle. Je pèse le pour et le contre, j'essaie de me mettre à sa place, je pense à ce qu'elle m'a dit il y a un an sur le toit, qu'elle reviendrait.

Mais les circonstances ne sont pas pareilles, et c'est bien ça le problème.

J'arrive plus à penser, même si je ne pars pas, j'ai besoin de prendre l'air. Je prends mon passeport avec moi au cas où, mon sac à dos, puis si jamais je décide de prendre l'avion, je verrais pour le reste.

L'appartement semble silencieux et tant mieux, ça évitera d'avoir à parler, je crois que j'en ai pas la force. C'est trop dur d'avoir à parler de Naïm, de le savoir dans le coma sans pouvoir le voir ni avoir plus d'infos. Il s'est pris trois balles, voilà ce qu'on nous a dit. J'arrive pas à m'en contenter, je veux pas que sa mort soit une possibilité à envisager. Rien que d'y penser, ça me donne le tournis. Faut vraiment que je sorte d'ici, j'arrive meme plus à remplir pleinement mes poumons.  Alors difficilement, j'attrape mon sac pour y mettrr quelques affaires avant de me diriger vers la porte. J'ouvre cette dernière à la volée et mon coeur s'arrête.

Juste quelques secondes, le temps de réaliser.

Elle est devant moi, prête à rentrer ses clés dans la serrure le visage vide, inexpressif. Puis ses yeux dévient vers les miens, ils me percutent le coeur, le compresse, puis le fait exploser. C'est trop, trop de mélange d'émotions, je sais même plus quoi en faire. J'ai l'impression d'être deux ans en arrière, la première fois que je l'ai vu de ma vie, j'allais sortir de chez moi et elle allait frapper à la porte dans le même temps. Sauf que cette fois c'est elle la plus triste de nous deux et ça me fait mal. J'aimerais prendre un peu de sa peine pour la soulager.

Elle semble reprendre conscience quand elle comprends que c'est bien moi devant elle. Elle essaie de sourire mais ses lèvres tremblent. Je sais pas si on réalise vraiment qu'on est en face l'un de l'autre, mais je vois ses yeux se troubler. J'avais pas vraiment imaginé ce genre de retrouvailles mais je n'y pense même pas. La seule chose que je comprends, ce sont ses yeux qui ont toujours su me parler sans prononcer un seul mot. Ça n'a pas changé, ça ne changera jamais.

Alors je prends doucement sa main, je la caresse, je lie nos doigts. Je profite de la bouffé d'air qu'elle m'envoie inconsciemment et remplit mes poumons, reprends un peu de force, celle qu'elle a toujours su me donner. La seule chose que je puisse faire c'est être là pour elle, si elle a besoin de pleurer, si elle a besoin de parler, d'hurler, peut importe. Si cette fois-ci elle n'a pas les épaules assez solides, je serais là pour la maintenir debout.

Sa tête viens se plaquer contre mon torse, elle à l'air épuisée,complètement meurtrie. Je resserre ma prise autour de ses épaules, j'essaie de l'envelopper, de lui montrer indirectement que je suis là pour elle. Je sens son petit corps trembler contre le mien puis elle hoquette, une fois, deux fois. Je recule de quelques pas pour la faire complètement entrer dans l'appartement et referme la porte avec mon pied. On ne se lâche pas pour autant, et nous ne sommes pas prêts non plus à dire quoi que ce soit. Je décide de la porter pour aller jusqu'à la chambre, je sais qu'elle n'en a pas elle-même la force. Je l'allonge et la rejoint rapidement pour reprendre contact avec elle. Elle plonge sa tête dans mon cou, je sens ses larmes rouler sur mes clavicules alors j'entreprends de lui caresser les cheveux pour tenter de l'apaiser rien qu'un peu.

J'ai du mal à y croire mais j'arrive pas a être pleinement heureux de la voir, pas quand elle est comme ça, pas quand mon ami est dans le coma et qu'il fait partit de sa famille. Si j'en avais le pouvoir, je voudrais qu'elle soit heureuse, tout le temps. Mais égoïstement, sa présence m'apaise, ça a toujours été comme ça avec elle. Je sais qu'elle aussi ça la calme,  j'entends sa respiration devenir de plus en plus lourde jusqu'à ce qu'elle s'endorme complètement.

Alors j'essaie de faire le bilan. Un an de séparation pour un final dramatique. Deux âmes réparés à nouveau brisés.

Mais de l'amour, toujours. 

On Est Amoureux Qu'une Fois Où les histoires vivent. Découvrez maintenant