Tome 2 : Chapitre 25

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4 décembre 2020

Jad

Depuis que j'ai repris mes permanences à la clinique vétérinaire, la même qu'avant mon départ, je me sens un peu mieux. Je pense qu'après les bras de Ken, c'est l'endroit où je me sens le plus à ma place.

J'ai aussi décidé de reprendre contact avec ma psy en visio. Les consultations sont un peu plus chères mais j'en avais vraiment besoin. Après l'épisode du portefeuille, je me suis dit qu'il y avait un soucis quelque part et j'ai vite compris que ça venait beaucoup de moi. Elle m'a demandé de lui résumer les quatres dernières années de ma vie, ça a prit deux séances d'une heure et demie chacune, et beaucoup de larmes. C'est jamais facile de se rendre compte de toute la souffrance qu'on a enduré et je sais très bien que ça ne date pas d'il y a quatres ans. Je ne suis pas totalement en paix et je ne le serais probablement jamais. J'aurais beau me cacher derrière le mental d'acier que le karaté m'a forgé, je n'en reste pas moins humaine. Et j'ai mal.

Je sais que j'ai fais le deuil de beaucoup de chose, même si les blessures sont là, j'arrive à vivre avec, mais je peux pas accumuler tout le reste en me disant que j'ai vécu le pire. C'est à dire la mort à trois reprises.

Quand j'ai appris que Naïm avait repris le business de nos pères, je l'ai vécu comme la pire des trahison. J'ai eu l'impression qu'on salissait la mémoire de mon père avant d'apprendre toute la vérité, beaucoup plus sombre que ce que j'imaginais.

Quand Ken à eu son accident, c'est une immense culpabilité qui m'a transpercé et le pire, c'est que je ne m'en voulais pas de l'avoir stoppé alors qu'il avait déjà commencé à traverser la route mais je m'en voulais de l'avoir fait entrer dans ma vie, comme si c'était moi qui attirait la mort.

Quand j'ai du partir pour un an minimum à l'étranger loin de Ken alors que je venais de le demander en mariage, mon coeur s'est brisé en deux. J'ai gardé la face jusqu'à ce qu'il ne soit plus dans mon champs de vision, j'ai gardé le peu d'énergie qu'il me restait pour passer par chez lui prendre des affaires qui lui appartenait avant de disparaitre de la france. Dans l'avion, je n'ai pas décroché un seul mot, je me suis assise sur mon siège puis j'ai fermé les yeux et je n'ai pensé qu'à lui. J'ai pris le soin de redessiner les traits de son visage histoire d'être sûre de l'avoir bien imprégner puis il n'a plus quitté mon esprit. Je me suis repassé en boucle notre dernière discussion, ce qu'on s'était promis, ça aussi je l'ai bien incruster dans mon esprit pour ne jamais oublier.

Pour finir, le coma de Naïm m'a anéanti, j'en ai encore des frissons quand je repense au moment où je l'ai appris. Si Bao n'avait pas été avec moi ce jour là, je ne sais pas ce que j'aurais pu infliger à mes mains et il est bien là le problème.

A chaque fois que j'ai eu à faire face à des difficultés qui me dépassaient émotionnellement, je répondais par la violence. La seule chose dont j'avais envie c'était taper ce foutu mannequin en bois pour m'exploser les doigts. Je devrais l'admettre maintenant, que je ne cherchais que de la douleur physique pour apaiser ma douleur psychique. Quand on pratique bien son art martial on ne se fait pas mal, je le savais pertinemment comme je savais pertinemment que si je tapais de telle manière avec telle intensité, j'allais avoir mal. C'était un combat perpétuel avec moi-meme entre l'envie de bien pratiquer pour évacuer et l'envie de tout envoyer péter autour de moi.

Et au milieu de tout ce chaos, Ken, et tout ce qu'il m'a apporté.

Même quand il a indirectement fait partit de ma souffrance, il a toujours été à mes côtés, me répétant sans cesse que je n'étais pas seule dans ce monde un peu trop violent pour moi et que si je n'étais pas assez forte, il le serait pour moi.

Malgré ça, comme je l'ai dit tout à  l'heure, je ne serais jamais totalement en paix et chaque changement dans ma vie, chaque nouvelle personne que je laisse pénétrer dans mon monde représente un risque. Ce qui est arrivé à Naïm n'a fait que renforcer ce sentiment et le rapport de police aura beau me démontrer que le réseau a été complètement dementelé, je garderais toujours dans un coin de ma tête que notre passé reste ce qu'il est et qu'avec le monde de la drogue on est jamais vraiment à l'abri.

Ma psy a osé me demandé si Ken au milieu de tout ça n'était pas juste une utopie, si je ne m'étais pas engagé aussi rapidement parce que je voulais faire tout vite par peur que tout s'arrête subitement comme j'en ai eu plusieurs fois l'habitude.

Alors oui, si j'avais su pour mon père je ne lui aurait pas autant fait la guerre a propos de son travail pendant mon adolescence. Et si j'avais su pour Jian, j'aurais pris moi, le volant de la voiture et les choses se seraient forcément passé autrement.

Elle m'a fait douté un court instant, juste une mini fraction de seconde. Mais non, Ken n'est pas une utopie, justement il est tout ce que j'ai de plus réel dans ma vie. On m'a dit un jour qu'on ne voyait bien qu'avec le coeur et quand je l'écoute, il me cris son prénom. Et puis il sait ce que c'est que d'avoir peur pour sa vie, lui aussi il met beaucoup d'énergie et d'attention à ce que ce qui est privé reste privé.

C'est tout ça qui m'a autant fait douter de Maud. J'étais beaucoup trop attentive à son attitude et j'ai confondu angle de vue avec sourire pervers, timidité avec sournoiserie et professionalisme avec mensonge. Ou du moins c'est la conclusion que j'essayais de me faire depuis quelque temps. Le fait qu'elle ne vienne plus que les après-midi depuis que Naïm est en béquille devait aussi sûrement y jouer, j'ai moins eu le sentiment qu'une étrangère essayais de s'immiscer dans nos vies.

Conclusion de tout ces rendez-vous visio avec ma psy : même si j'ai compris encore plus de chose sur moi qui m'aideront à avancer dans ma vie et que je suis encore plus certaine que Ken est l'homme de ma vie, je n'aurais pour autant pas dû baisser ma garde.

J'ai absolument conscience de ce qui est en train de se passer parce qu'inconsciemment, je m'étais préparé à ce que ça arrive un jour. Ce que je n'avais pas prévu c'était le lieu et l'heure à laquelle ça se produirait.

J'étais en train d'assister le chirurgien sur une opération passionnante au bloc  quand l'assistante vétérinaire en chef m'a demandé de la suivre immédiatement. Elle ne m'a rien dit d'autre que Claudia, la secrétaire lui avait demandé de me mener directement dans le parking sous-terrain sous la demande du directeur de la clinique sans passer par l'accueil. J'ai entendu des chuchotements dans les couloirs, j'ai préféré éviter les regards insistants.

Mon coeur s'est arrêté plusieurs fois jusqu'à ce que j'arrive jusqu'au parking. Ce qui nous ramène au présent.

Je me suis imaginé voir des gyrophares bleus mais au lieu de ça,  je tombe sur Hakim et Théo, le regard dur, à côté d'une Claudia toute penaude devant son écran de téléphone. Ça n'aide pas à calmer les sursauts de mon myocarde, bien au contraire.

Hakim s'avance en premier tout en déverouillant son téléphone. Je n'ai aucun doute sur sa contrariété et ça ne m'annonce rien de bon. Il ne parle pas, il met seulement son écran devant mes yeux, le temps de découvrir ce qu'il se passe et pourquoi ils sont là.

Trois images. Flous mais pas assez pour ne pas reconnaître le visage de Ken. Sur la deuxième on me voit moi qui sourit dos à Ken, puis lui et moi en train de s'embrasser et en gros titre :

"Le rappeur au cœur brisé a enfin retrouver l'amour dans les bras d'une inconnue."

J'ai à peine le temps d'assimiler ce que je suis en train de voir que la voix d'Hakim raisonne dans mes tympans.

- On a un problème.

On Est Amoureux Qu'une Fois Où les histoires vivent. Découvrez maintenant