Chapitre 38

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12 juin 2018, 00:42

« J'ai dans le cœur et la tête des blessures que j'avais pas à compenser »

*

Jad

- C'est une heure pour manger une glace ?

Jad sentit la chaise sur laquelle sa mère venait de s'assoir craquer sous son petit poids mais ne leva pas pour autant les yeux vers elle. Elle ignora même sa question et plongea une nouvelle fois sa cuillère dans le pot de crème glacée. Jia-li observa sa fille quelque seconde et se retourna pour piocher une cuillère dans le tiroir derrière elle avant d'imiter Jad.

- Je ne l'ai pas vu aujourd'hui.

Jad stoppa son geste à la fin de phrase de sa mère et lui jeta un regard interrogé. Elle, elle sourirait déjà en l'ignorant à son tour et elle ne put que rétorquer.

- De quoi tu parles ?

- Ken, je ne l'ai pas vu aujourd'hui, elle répéta.

- Pourquoi tu le verrais aujourd'hui et tous les autres jours d'ailleurs ?

Maintenant elle était complètement perdue. Elle ne comprenait pas où sa mère voulait en venir exactement pourtant, elle trouvait ça bizarre qu'elle lui dise ça aujourd'hui alors qu'elle n'avait pas reçu la lettre quotidienne de Ken. Raison pour laquelle elle n'avait pas réussi à dormir et s'était installée sur la table de la cuisine pour manger un pot de crème glacé.

Ça lui avait fait quelque chose de ne rien avoir de sa part quand Naïm était monté avec le courrier, comme il le faisait tous les midis quand il venait manger chez ici avec Shadia. Elle s'était demandé s'il avait fini par lâcher l'affaire, s'il s'était rendu compte qu'elle n'était pas si importante dans sa vie. Pourtant, la lettre qu'elle avait eue hier était semblable aux autres. Il commençait pas lui demander comment elle se sentait puis il lui racontait sa journée et toutes les choses ou les moments qui lui faisaient penser à elle, son absence qui ne semblait pas le réjouir, ses regrets, tout ça saupoudré de compliments qu'il réussissait à caler entre deux phrases.

- Je le vois venir déposer les lettres tous les matins. Parfois très tôt.

La voix cassé de sa mère la sortit de ses pensées et elle du lui demander de répéter, pas sûre d'avoir bien entendue ce qu'elle pensait avoir compris.

- Ken, il vient déposer les lettres tous les matins, elle dit une nouvelle fois en articulant pour que Jad comprenne.

- C'est pas Naïm qui les mène quand ils viennent manger ?

- Non il lui a juste donné le digicode de l'immeuble.

- Mais t'es sûre que c'est lui ?

- Bien sûre, je te rappelle qu'il a dormi chez moi avant que tu le connaisses.

- C'est vrai, d'ailleurs tu sais qu'il sait pas que t'es ma mère ? Enfin, il a pas fait le rapprochement quoi, c'est...

- Ne change pas de sujet ma puce. Tu ne t'es pas douté que c'était lui qui venait directement les mettre dans la boîte aux lettres ?

- Mais non, elle bafouilla, c'est pas à côté le quinzième quand même.

Actuellement, dans son cerveau, c'était un bordel sans nom. A aucun moment elle s'était dit que ça pouvait être lui qui venait déposer la lettre quotidienne pour seule raison qu'il n'avait pas le code d'accès à l'immeuble. A vrai dire, ça faisait plusieurs jours qu'elle n'arrivait plus à penser et qu'elle ne savait pas quoi faire vis à vis de Ken et avec cette information en plus, ça ne l'aidait pas. Elle avait envie d'aller le voir parce qu'elle était touchée de toutes ses lettres et de tous ces textos, ça lui donnait même le sourire, mais elle n'arrivait pas à faire le premier pas. Le vrai problème, c'est qu'il lui avait presque fait une déclaration la dernière fois qu'ils s'étaient vu et elle s'était enfuit. Depuis, elle ne savait pas comment elle devait se comporter devant lui. Elle se jouait souvent des scènes où elle irait le voir pour mettre fin à ce supplice qu'elle-même au fond ne voulait pas, parce qu'elle se souvenait de ce qu'elle avait ressenti et les réactions de son corps quand il lui avait explicitement dit qu'il voulait qu'elle soit sa copine. Encore maintenant quand elle y repensait, elle sentait des picotements dans le ventre qui se rependaient rapidement en une source de chaleur dans l'entièreté de son corps, elle ne pouvait plus le nier.

On Est Amoureux Qu'une Fois Où les histoires vivent. Découvrez maintenant